Un siècle d’élections municipales: première et deuxième élections, 1921 et 1922

Par : Ghislaine Boisclair, Paul Carle et Michel Allard

 

Première élection les 22 et 23 juin 1921

La première élection de notre nouvelle municipalité. La municipalité doit s’organiser selon le code municipal du Québec révisé en 1916. Le Code municipal du Québec est une loi québécoise adoptée pour la première fois par l’Assemblée législative en 1871 afin d’encadrer et de normaliser le fonctionnement des municipalités ou campagnes du Québec. La version actuelle mise à jour de façon régulière, provient de la première révision  effectuée en 1916 et s’applique à quelque 880 municipalités. Donc la nouvelle municipalité du village de Saint-Jean-Baptiste-de-Bélisle doit se choisir un maire, élu pour deux ans, et six conseillers municipaux, élus également pour deux ans. Trois de ces conseillers doivent cependant être élus à l’époque de l’élection générale et les trois autres, au même temps, l’année suivante; et ainsi de suite, de manière qu’il doive être élu ou nommé trois conseillers locaux chaque année (selon l’article 279 amendé). La première élection choisira donc 6 conseillers dont trois devront être réélus l’année suivante. Il y aura donc, en janvier de chaque année, jusqu’à nouvel ordre, en élection; une année le maire et trois conseillers, l’année suivante 3 autres conseillers.

Archives de la municipalité de Val-David

Conformément aux dispositions contenues dans le Code municipal, Walter George Mitchell, alors ministre des Affaires municipales, désigne un bourgeois de Sainte-Agathe comme président d’élection; Il détermine la date des élections au mercredi 22 juin 1921. La votation, si nécessaire, est fixée au lendemain. L’élection doit « avoir lieu dans un endroit aussi central que possible de la municipalité ». Enfin, la première assemblée du nouveau conseil devra être tenue le 25 juin. Le président des élections diffuse ces directives par des avis publics en ajoutant que les élections se dérouleront dans la résidence de J.-0.(Joseph-Octave) Bélisle, située près de la station de chemin de fer. Les mises en candidatures ont lieu le 22 juin 1921; il y a en fin de journée deux candidats à la mairie, Léonidas Dufresne, marchand, et J. R. Larocque, industriel. Leonidas Dufresne a été maire de municipalité de paroisse Sainte-Agathe de 1916 à 1920. Fondateur de St-Jean-Baptiste-de-Bélisle en tant que paroisse autonome, il était donc normal qu’il devienne le premier candidat à la mairie de la nouvelle municipalité. Le matin du 23 juin 1921, jour prévu de l’élection, J. R. Larocque résignera à titre de candidat à la mairie. Quatorze personnes se sont néanmoins présentées pour l’élection;  Léonidas Dufresne sera élu par acclamation.Les six conseillers également élus par acclamation sont : 

  • Urgel Labelle
  • Ferdinand Parent (qui sera aussi élu comme pro-maire)
  • Napoléon Gascon
  • Delphis Beaulne
  • Henri Brisebois
  • Alexis GuindonL’assermentation des élus a lieu lors d’une rencontre le 25 juin 1921 sous la présidence de H.A. (Henri-Avila) Bélisle; cette rencontre des élus deviendra la première assemblée du nouveau conseil municipal. Outre l’assermentation du maire et des conseillers, deux motions sont adoptées; une première à l’effet de louer pour tenir les assemblées du conseil le sous-bassement de l’église pour la somme de 50 $ par année, à condition qu’il soit chauffé; une seconde stipulant que le conseil se réunira le premier lundi de chaque mois à 7 heures du soir. Notre municipalité est désormais en marche.
  Léonidas Dufresne , premier maire de Val-David dans les années 1920, 
in Marie-Andrée Dufresne, Val-David, fragments d’histoire , 1996

La seconde assemblée, tenue le  4 juillet 1921, nommera les divers officiers de la municipalité : le Conseil de la municipalité de village de Saint-Jean-Baptiste-de-Bélisle doit obligatoirement nommer des officiers à divers postes dont les tâches sont explicitement décrites dans le code municipal de 1916 . *2 On pourrait, en termes contemporains, les qualifier de fonctionnaires, d’employés des travaux publics ou de cols blancs. Notons que tous ces officiers exercent leur fonction à temps partiel. Adélard Normand est retenu à titre de premier secrétaire-trésorier de la municipalité au salaire de 100 piastres par année. Toutefois, il doit « fournir un cautionnement de 500 piastres en garantie de fidélité à sa charge ». C’est à lui qu’incombe aussi la tâche de conserver les archives de la municipalité (art. 147). Arthur Frenette est nommé « auditeur des livres ».

Le Conseil nomme ensuite trois estimateurs : Aldège Vendette, Antime Ménard et Alphonse Paquin, qui, tous les trois ans, doivent dresser «un rôle d’évaluation basé sur la valeur réelle des terrains, immeubles et biens-fonds » (art. 649-650). Par la suite, ledit rôle doit être entériné par les membres du conseil, qui pourront le modifier au besoin. 

Le Conseil procède aussi à la nomination de six inspecteurs de voirie, soit un par arrondissement, Ils ont pour tâche : « … de surveiller tous les travaux de construction, d’amélioration ou d’entretien, ordonnés sur les chemins, les trottoirs et les ponts municipaux, locaux ou du comté » (art. 524 à 528). Donc dès la création de la municipalité six arrondissements sont également créés. Frédéric Parent est nommé pour l’arrondissement no 1 comprenant le 8e rang Morin ainsi que la

montée de l’école entre les 7e et 8’e rangs Morin; Arthur Charrette pour l’arrondissement no 2 comprenant le 7e  rang Morin; Joseph Duquette pour l’arrondissement no 3 incluant le 10e  rang Morin et la montée Trudeau; Adélard Monette pour l’arrondissement no 4 comprenant le 11e rang Morin et la partie des lots du 10e rang ayant leur sortie sur le 11e  rang Morin; Théodule Ménard pour l’arrondissement no 5 réunissant le 1er  rang du canton Doncaster et la montée qui vient à la station; Joseph Vendette pour l’arrondissement no 6 formé du 2e rang Doncaster et de la montée entre le 2e et le 1er  rang Doncaster. 

 Le territoire de Val-David
(Conception : Pierre Dumas, ingénieur, M.Sc.A. Fond de carte : Commission de protection du territoire)

montée de l’école entre les 7e et 8’e rangs Morin; Arthur Charrette pour l’arrondissement no 2 comprenant le 7e  rang Morin; Joseph Duquette pour l’arrondissement no 3 incluant le 10e  rang Morin et la montée Trudeau; Adélard Monette pour l’arrondissement no 4 comprenant le 11e rang Morin et la partie des lots du 10e rang ayant leur sortie sur le 11e  rang Morin; Théodule Ménard pour l’arrondissement no 5 réunissant le 1er  rang du canton Doncaster et la montée qui vient à la station; Joseph Vendette pour l’arrondissement no 6 formé du 2e rang Doncaster et de la montée entre le 2e et le 1er  rang Doncaster. 

 nommés, notons que 9 remplissent des fonctions qui ont trait à l’organisation du territoire de la municipalité. 

Chaque officier nommé doit satisfaire aux mêmes conditions d’éligibilité que les membres élus du Conseil municipal, à savoir « tout habitant mâle de la municipalité [c’est-à-dire résident qui n’est pas déclaré incapable par une disposition de la loi » (art. 226). Au surplus, à l’instar des élus, toutes les personnes explicitement citées ci-dessous sont exclues de toute fonction ou charge (art.227): les aubains [c’est-à-dire les résidents non naturalisés canadiens, les femmes, les mineurs, les interdits, les ministres du culte, les membres du Conseil privé, les juges ou magistrats, les shérifs, les officiers de l’armée et de la marine, les officiers et les membres de la police provinciale, les aubergistes, les hôteliers, les marchands ayant une licence pour vendre de l’alcool, quiconque ayant un contrat avec la municipalité, quiconque ne sait lire, ni écrire correctement; il ne suffit pas de savoir lire l’imprimé ou d’écrire son nom, ou même de savoir les deux, toute personne trouvée coupable d’une trahison ou d’une offense criminelle est punissable de deux années d’emprisonnement ou plus. Bref, les charges municipales sont réservées à une minorité que nous pourrions qualifier de « boys’ club ». 

Nomination et durée des mandats 

Les officiers sont nommés par une résolution et « restent en fonction selon le bon plaisir du conseil D (art. 143 et 179). Dans notre municipalité, nous observons qu’à (exception du secrétaire-trésorier, 1es officiers changent après chaque élection tenue entre 1921 et 1929 inclusivement. Quelques-uns sont mutés à un autre poste. À titre d’exemples, notons : Wilfrid Beaulne qui est nommé évaluateur en 1923, puis gardien du clos en 1925, et Willy Raymond, qui occupe successivement le poste d’inspecteur de voirie en 1923, puis d’inspecteur agraire en 1927, et à nouveau d’inspecteur de voirie en 1929. Toutefois, la grande majorité des officiers nommés n’occupe qu’une seule charge durant un seul mandat. Nous pourrions ainsi qualifier d’égalitaire la répartition des tâches entre les candidats éligibles, ou y aurait-il un autre critère d’ordre politique de nomination ? 

Seconde élection le 22 janvier 1922

 

Ferdinand Parent, Urgel Labelle, et Napoléon Gascon sont réélus pour les deux années à venir en conformité avec le Code Municipal en vigueur.

Naissance d’une commission scolaire

En juillet 1922, soit un an après l’érection de la municipalité de village de Saint-Jean-Baptiste-de-Bélisle une demande est déposée à l’effet de former une municipalité scolaire séparée de celle de Sainte Agathe. La demande est agréée. Le 8 septembre 1923 a lieu, au presbytère de la paroisse, la première séance de la municipalité scolaire de Saint-Jean-Baptiste-de-Bélisle. Respectant la coutume c’est le curé Ernest Brousseau qui est nommé commissaire président;  quatre autres commissaires sont désignés : Horace Legault, Joseph Beaulne, Ferdinand Parent et Edouard Lachaine; Léonidas Dufresne, maire de la municipalité de Saint-Jean-Baptiste-de-Bélisle, est engagé pour agir comme secrétaire au tarif de 75 S par année. La municipalité scolaire compte alors trois écoles: 

l’école no 1, l’Académie du Sacré-Coeur, l’école du village (ancienne école numéro 9 de la commission scolaire de Sainte-Agathe). École de bois récemment construite, en toute hâte, à l’automne 1922, elle fut démolie en 1951 et remplacée par l’actuelle école Sainte-Marie sur la rue de l’Académie. 

L’École 2, école St-Joseph, appelée école du 7è ou du 8è rang ou école d’en bas, ou école de la montée du 8è rang (selon les documents consultés), construite sur la terre de Ferdinand Parent (ancienne école numéro 2, à la commission scolaire de Sainte-Agathe); l’édifice de cette école existe toujours sur la montée du 8è rang au lac Paquin.

L’École 3, école Ste-Marie, ou école du rang Doncaster, construite sur la terre de Willie Campeau (ancienne école numéro 8, à la commission scolaire de Sainte-Agathe). L’édifice fut vendu en 1948 et démoli en 1962.

 

L’Académie sur la rue du même nom; une école appelée académie peut dispenser des cours de la 1ère année à la 9ème année; photo dans Marie-Andrée Dufresne (1996) Val-David, fragments d’histoire, p. 38

Une trentaine de personnes de Val-David ont siégé à la municipalité (commission) scolaire de Val-David (en gras ceux qui ont présidé aux destinées de la commission) entre 1923 et 1969, année de la disparition de celle-ci. Voici la liste de ceux qui ont voué leurs énergies aux jeunes, liste que nous avons pu reconstituer grâce aux procès-verbaux de leurs rencontres.

 

Création d’un réseau électrique 

Marie-Andrée Dufresne, dans son ouvrage consacré à l’histoire de Val-David, note qu’en 1922, «l’électricité fait son apparition au village  ». *3 En effet, le 7 août, le Conseil municipal avait permis aux Soeurs de Sainte-Anne de planter les poteaux voulus pour l’électricité sur la propriété municipale .*4  Le 16 décembre, Roch Larocque, propriétaire des anciens moulins de Joseph Bélisle, obtient le droit de poser des poteaux dans les chemins de la municipalité afin de conduire son pouvoir électrique (produit par une dynamo) vers des résidences entre autres vers celle des religieuses. Toutefois, il semble que cette production, somme toute artisanale et rudimentaire, ne pouvait pas satisfaire aux besoins de l’ensemble de la population. À cet égard, le 3 mai 1926, le Conseil adopte à l’unanimité le Règlement no 13 accordant à la Laurentian Hydro Electric Limited « le droit d’installer, de développer, d’opérer et de maintenir dans les places publiques de ladite municipalité, partout où cela peut être nécessaire pour l’opération et l’exploitation des affaires de la compagnie, les appareils nécessaires à la distribution et à la vente de la lumière, de la chaleur et de l’énergie électrique à la municipalité et aux citoyens de la municipalité». Elle pourra en autre, sous la surveillance d’un représentant de la municipalité, couper tout arbre nuisant à ses installations. La compagnie est libre de fournir ou non un service additionnel aux clients. Elle peut augmenter à son gré ses tarifs à condition de les faire réviser tous les 5 ans par La Commission du Service d’utilités publiques. La Municipalité lui accorde pour 10 ans le monopole de la distribution et de la verte d’électricité sur son territoire. Enfin, la compagnie obtient pour 10 ans une exemption de toutes les taxes municipales, y compris celle sur les immeubles et les installations. Bref, c’est un véritable monopole que décroche la Laurentian Hydro Electric Limited, aux seules réserves des permissions accordées aux Soeurs de Sainte-Anne et à Roch Larocque. Par la suite, le réseau se développera peu à peu. Toutefois, le Conseil municipal entreprendra des démarches en vue de construire une centrale électrique et de municipaliser la production et la distribution de l’électricité. Ces projets ne dépasseront pas le stade des intentions. 

 

Sur cette photo de 1925 on remarque probablement quelques-uns des premiers poteaux d’électricité du village devant la maison de Gérard Dubois au 1494 chemin de la rivière.
 

La saga de la prohibition à Saint-Jean-Baptiste-de-Bélisle (Val-David) 

En 1922, le Conseil municipal vote à l’unanimité de faire parvenir au gouvernement une résolution «pour protester contre toute(sic) licence de bière et de vin dans la municipalité  ». *5 A cet égard, le Conseil s’appuie sur le règlement 54 voté en 1909 par la municipalité de paroisse de Sainte-Agathe prohibant la vente de boissons enivrantes sur son territoire qui incluait, à cette époque, celui de Val-David. À son assemblée du 6 novembre 1936, Ie Conseil de Val-David vote à l’unanimité une résolution révoquant celle de 1922 de ne pas accorder de licence pour la vente de l’alcool . *6Toutefois, la dite résolution ne semble pas avoir été mise en vigueur. Le 4 mars 1939, une vingtaine d’électeurs adressent une requête au Conseil municipal pour abroger ledit règlement défendant la vente de boissons alcooliques Pour satisfaire cette requête, le Conseil vote, le 3 avril 1939, le règlement 42 abrogeant la prohibition et le soumet aux citoyens pur approbation par voie de vote secret Ie 29 avril. 

 

Coup de théâtre : le 28 avril, lors d’une réunion spéciale, ledit règlement est annulé. Le référendum n’aura pas Iieu. Val-David demeure un village sec.

Nouvelle tentative en avril 1940, mais cette fois, changement de tactique. Le Conseil vote à majorité le règlement 47 demandant à la Commission des liqueurs d’accorder trois licences pour la vente des bières et vins dans les limites de la municipalité. Conformément à la loi, ledit règlement est soumis le 27 avril aux électeurs pour probation. Le peuple parle: pour 60; contre 93; abstention 2. La prohibition est maintenue. 

Selon Marie-Andrée Dufresne, il faut attendre 1946 pour que la prohibition soit abolie à Val-David . *7 Les citoyens peuvent alors acheter leur boisson en toute légalité et ne pas se contenter de la « bagosse». *8

 
*******************
*1 On peut consulter cette liste sur le site de la Société d’histoire et du patrimoine de Val-David
*2Code municipal de la province de Québec annoté par McAvoy & Dufresne, avocats du barreau de Montréal (1916) Montréal, Mercantile Printers.
*3 Marie-Andrée Dufresne (1996) Val-David, fragments d’histoire, p. 44
*4 Toutes les référence aux procès-verbaux sont extraites du livre des procès-verbaux conservé aux archives de la municipale de Val-David
 *5 Procès-verbal, assemblée du 6 février 1922, Archives municipalité Val-David
 *6 Procès-verbal, assemblée du 6 novembre 1936, Archives municipalité Val-David
*7 Marie-Andrée Dufresne, Val-David, fragments d’histoire, 1996, p. 43
*8 Un alcool fabriqué de façon artisanale
 
 

Retour au menu