Un siècle d’élections municipales : dixième élection ( 1930)

Par : Ghislaine Boisclair, Paul Carle et Michel Allard

 

 

Dixième élection le 7 janvier 1930

 

Les conseillers Adélard Normand, siège no 2, Hormidas Marinier, siège no 4 et Napoléon Gascon, siège no 6 sont réélus pas acclamation.

Les conseillers des sièges 1, 3 et 5 et le maire poursuivent leur mandat.

Les infrastructures routières situées sur le territoire de la municipalité 

Le dépouillement des procès-verbaux de 1921 à 1930 des séances du conseil municipal de Saint-Jean-Baptiste reflète cette situation. Des 19 règlements adoptés par le Conseil entre 1921 et 1930, 6 ont trait à la verbalisation de chemins, de montées ou de ponts. À titre d’exemple, à l’assemblée du 17 décembre 1921, on verbalise (c’est à dire qu’on municipalise) la montée de l’école entre les rangs 7 et 8 du canton Morin . En outre, à chaque séance, les membres du conseil discutent d’au moins une question relative aux chemins et aux ponts. A titre de cas de figure, notons qu’à son assemblée du 21 février 1922, le Conseil demande que la Municipalité de Sainte-Agathe reprenne possession du pont Préfontaine (autrefois Marier], trop onéreux à entretenir, à celle du 2 août 1926, on discute d’un projet de construction de trottoirs; à celle du 2 mai 1927, Ie conseiller Émile

Lachaine propose qu’une barrière en bois soit placée à l’entrée sud de la montée Scroogie indiquant que cette montée est un chemin privé. Les nombreuses autres résolutions sont à l’avenant. Bref, les discussions relatives au réseau routier sont nombreuses et variées. 

Les infrastructures routières reliant la municipalité avec l’extérieur

Les préoccupations des membres du conseil ne se limitent pas aux routes locales. A la séance du 7 mars 1927, ils adressent au ministre de La voirie une résolution soulignant que la route reliant Val-Morin à Sainte-Agathe via le territoire de la municipalité a entraîné un investissement onéreux. Le Conseil demande qu’elle soit complétée et déclarée route régionale, « avec les mêmes avantages que la route nationale directe * 1 au point de vue des frais d’entretien ». 

À sa 110″ séance tenue le 2 septembre 1930, le Conseil adresse à Athanase David, député du comté, une résolution lui demandant de transmettre au ministre de la voirie deux résolutions; une première afin de maintenir ouverte durant la saison d’hiver la route nationale No 11 dans la région des Laurentides au Nord de la ville de St-Jérôme, jusqu’à Ste-Agathe et au-delà si possible; ce qui contribuerait fortement aux moyens de soutien de la population qui n’a que l’Industrie du tourisme pour y vivre et se développer. 

Une seconde résolution prend acte que la route (le chemin du rang 11, aujourd’hui le chemin de la rivière ) qui passe par le village de Val-David est beaucoup plus facile à entretenir l’hiver que celle passant par la route nationale actuelle (le rang 10] et que cette route ainsi entretenu ne laisserait pas notre village isolé. 

Par conséquent, on demande à l’honorable Athanase David de bien vouloir entretenir l’hiver la route nationale en passant par le village de Val-David plutôt que celle passant vers le lac Paquin. Bref, les membres du Conseil municipal sont conscients que les voies de communication tant avec à l’intérieur qu’avec l’extérieur du territoire constituent un réseau d’infrastructures qui, permettant la circulation des personnes et des biens, requièrent toute leur attention.

La « Crise »

Le jeudi 24 octobre 1929, la Bourse de New York craque. C‘est le début d’une crise financière qui dégénère en dépression économique. Elle se répand peu à peu à l’ensemble de la planète. Val -David n’y échappe pas. 

La liste des nécessiteux 

À l’automne 1933, le Conseil municipal de Saint-Jean-Baptiste-de-Bélisle approuve et fait parvenir aux autorités de la province deux listes dites de « nécessiteux » *2 afin que les chômeurs inscrits puissent participer aux travaux de voirie subventionnés par le gouvernement provincial. Les deux listes totalisent 38 chômeurs qui, chacun, comptent à leur charge en moyenne 5 personnes, pour un grand total de 228. C’est environ 40 % de la population de notre municipalité . *3 Rien de moins. 

Les travaux de voirie 

Dès le début de la décennie 1930, les membres du conseil municipal avaient sans doute déjà compris la gravité de la situation, car ils avaient entrepris des travaux de voirie. C’est, au demeurant le principal champ de juridiction dévolu aux municipalités par le code de 1916. En 1930, la Municipalité finance des travaux de gravelage dans la montée Trudeau : le gouvernement provincial en couvre la moitié du coût. Jusqu’en 1940, le Conseil municipal dépose annuellement des demandes auprès du gouvernement provincial afin de bénéficier de l’« argent du chômage ». *4 La Municipalité embauche plusieurs citoyens dits « nécessiteux »; on en profite pour refaire et améliorer plusieurs des chemins, des montées et des ponts de la municipalité, notamment la rue principale (rue de l’Église), la route reliant Val-Morin et Val-David, la Slide (sic), le pont Trudeau, les montées Doncaster et Charrette, etc. 

Le secours direct 

En 1931: « Après avoir mis en branle des travaux publics destinés à aider les chômeurs, les trois paliers de gouvernement (fédéral, provincial, municipal) décident de recourir au secours direct pour subvenir aux besoins essentiels des chômeurs et des indigents dont le nombre se multiplie ».*5 D’abord accordée sous forme de coupons, cette aide est distribuée par la suite sous forme monétaire. À partir de 1933, un poste budgétaire dit Assistance publique apparait parmi les plus importants du budget annuel de notre municipalité. Au surplus, on retrouve des résolutions accordant à des personnes indigentes dûment identifiées un montant hebdomadaire ou mensuel pour subvenir à leurs besoins. 

En outre, à la session du 6 novembre 1933, le Conseil municipal acquiesce à une demande, déposée par plusieurs citoyens, de couper pour leur utilité personnelle« du bois séché ou à terre» sur le lot 37 du 10e rang qui appartient à la municipalité. Ils doivent toutefois être inscrits sur la liste dite des nécessiteux. 

L’étude des montants versés mensuellement à des citoyens pour des travaux de voirie effectués dans le cadre du programme d’aide aux chômeurs révèle qu’en 1930, le nombre total de paiements effectués s’élève à 39. L’année suivante, on atteint 93 paiements. Au cours des années subséquentes, soit jusqu’en 1939, ce sont plus de 100 paiements par année qui sont accordés à des chômeurs. Rappelons que la Municipalité doit couvrir la moitié des coûts engendrés par ces dits travaux de voirie. Bref, des dépenses publiques permettent à plusieurs familles de notre municipalité de survivre. Il faut attendre le début de la Seconde Guerre mondiale pour que la crise s’estompe peu à peu. 

Le financement

Toutes ces mesures grèvent en quelque sorte le budget de la municipalité. Le Conseil municipal doit trouver des sources de revenus. À cet égard, il hausse le taux de l’impôt foncier. Fixé pour l’année 1933 à 0,55 centins par 100$ de biens imposables, il est porté à 0,70 centins pour l’année 1934, soit une augmentation de plus de 22 %. Ce taux demeure stable jusqu’en 1940. Au cours de ces années, on remarque aussi, dans le rôle d’évaluation, que plusieurs propriétés changent de main. À partir de 1930, le Conseil doit emprunter de façon récurrente à des particuliers des montants allant jusqu’à 1200 S afin de remplir ses obligations. Enfin, en 1939, compte tenu de la situation critique du chômage, et sans doute à court de liquidités, le Conseil municipal vote à l’unanimité plusieurs résolutions demandant, par l’intermédiaire du député Parent, que le gouvernement fédéral partage avec la voirie provinciale le coût de travaux déjà approuvés. Le gouvernement fédéral acquiescera à cette demande en octroyant une somme de 5200 $ . *6

Bref, sans l’aide des différents paliers de gouvernement nous pouvons supposer que la crise économique aurait été plus difficile à surmonter pour plusieurs familles de notre municipalité. 

Plusieurs initiatives citoyennes auront lieu dans les années 1930 pour tenter de fournir de l’emploi aux habitants de Val-David, notamment la construction de La sapinière, le démarrage de Confection Val-David, la construction d’une glacière dans le secteur du lac Doré…

La vie en société pendant la période 1921-1931 

Au cours de la période s’étendant de 1921 à 1931, nous n’avons relevé que deux règlements se rapportant à la vie en société : le règlement no.7 rendant obligatoire sous peine d’amende la vaccination contre la variole (procès-verbal du 24 mai 1924) et le règlement no. 20 portant sur les lieux de baignade et le port du costume de bain (procès-verbal du 7 avril 1931).

Période 1931-1941

Il n’en va pas de même pour la période de 1931 à 1942. Une vingtaine de règlements concernent l’organisation de la vie de la collectivité. De ce nombre, les plus nombreux se rapportent aux bonnes mœurs et aux licences de commerce, Les  autres traitent des sujets aussi disparates que les chiens , les vidanges et la vitesse des automobiles. Bref, le spectre est très varié. 

Des costumes de bain aux bonnes mœurs

Attendu que ledit avis de motion été lu par le Secrétaire;

Attendu que les années dernières, nous avons eu des plaintes assez fréquentes contre la conduite de certains touristes pendant la saison estivale;

Attendu que notamment on nous a signalé des cas d’abus graves et d’indécence dans le vêtement;

Attendu que certaines personnes ne se gênent pas de passer dans la rue en costume de bain, ou s’exhibant sur la plage dans un même accoutrement pendant de longues heures;

Attendu que ces habitudes au point de la moralité publique sont condamnables;

Entre 1931 et 1935 pas moins de quatre règlements concernant l’habillement seront adoptés  et amendés. Chacun précisera le genre d’habillement à proscrire et déterminera les pénalités que doivent encourir les contrevenants. Notons que ces règlements apparaissent au fur et à mesure de l’augmentation de la présence des « touristes » sur notre territoire.

Attardons-nous au libellé du règlement (no.33) voté  à l’assemblée du 14 mars 1935.Il concerne désormais non  seulement l’habillement, mais il s’étend « à la décence et aux bonnes mœurs ». En voici quelques extraits :

1e Les bains publics ne seront permis qu’aux endroits désignés par le conseil.

2e « Il est défendu à qui que ce soit de se promener ou de passer dans les rues et les chemins publics de la municipalité en costume de bain, en culotte courte, le dos découvert ou tout autre costume indécent »

3e Personne ne pourra nager ou se baigner dans la rivière du Nord près des chemins publics ou tout autre endroit public de manière à s’exposer à la vue des habitants.

4e Les contrevenants peuvent être condamnés pour chaque offense à payer  une amende n’excédant pas $ 25.00 plus les frais. À défaut de paiement, ils pourront être condamnés à une peine de prison n’excédant pas 2 mois. 

Pour s’assurer que ledit règlement soit connu de tous, le conseil autorise le secrétaire

« à faire faire 50 pancartes en regard du règlement no.33 au sujet des costumes indécents ». (procès-verbal du 4 juillet 1938).

De plus la municipalité engagera un constable spécial l’été à partir de 1931 service durera jusqu’à la fin des années 1940; ce constable sera payé un salaire de base en plus d’une  commission sur les arrestations qui amèneront une amende.

Licences de commerce

Entre 1932 et 1936, pas moins de 3 règlements ayant pour objet les licences de commerce sont adoptés. Essentiellement, ils traitent différemment les commerçants résidents  « des étrangers venant dans les limites de la municipalité ».  Règle général, les premiers ne sont pas tenus de détenir une licence tandis que les seconds doivent débourser une somme entre 5.00$ et 100.00$ dépendant de la nature de leur commerce. Notons l’apparition au début des années 1930 de commerçant itinérants desservant, pendant la période estivale, la clientèle essentiellement juive fréquentant en grand nombre Val-David et se regroupant pour leurs achats. 

S’ils ne paient pas ils sont sujets à amende de $20 par contravention. À défaut de paiement, ils sont passibles  d’une peine d’un emprisonnement ne dépassant pas 2 mois. Il semble que lesdits règlements soient difficiles à appliquer, car ils sont régulièrement amendés ou non appliqués au cours d’une période plus ou moins longue.

Règlements divers

Le 7  avril 1937, un avis de motion est donné «  pour faire préparer un règlement pour enlever les vidanges ». 

Il faudra cependant attendre la fin des années 1940 pour que la municipalité prenne en charge l’enlèvement des déchets et engage les ressources nécessaires à cette tâche.

Le  5 décembre 1937, un autre avis de motion est déposé «  afin de contrôler la vitesse de véhicules auto dans le village ». Le 7 mars 1938 un second avis de motion est  déposé sur le même sujet. 

Le 5 février 1939, le règlement no 44 stipulant que tous les chiens soient attachés ou muselés tous les jours de  la semaine de 7h pm jusqu’à 5h am est adopté.

Le 4 décembre 1939, le conseil vote le règlement no.46 décrétant que désormais

« Les propriétaires de salle de pool et billard, salle de danse devront cesser les opérations des dites salle de pool, billard et salle de danse durant les messes les dimanches et fêtes d’obligation et après minuit chaque jour. Que les instruments de musique automatique ou instruments de musique ordinaire ne seront plus tolérés après minuit chaque jour ».

Bref, pour le meilleur et  pour le pire, le conseil municipal devient, en quelque sorte, l’organisme qui régit et régularise la vie  de la collectivité.

________________

*1 Il s’agit ici du rang 10
*2 Une première liste a été approuvée le 14 septembre 1933, et la seconde le 12 décembre ; dans le livre des procès-verbaux de la municipalité
*3 La population de Val-David en 1933 tourne autour de 550 habitants
*4 On consultera à cet effet les procès-verbaux des assemblées du conseil municipal des années 1931 à 1940
*5 Secours direct, bilan du siècle : http://bilan.usherbrooke.ca/bilan/pages/evenements/462.htma
*6 L’Avenir du nord, 26 mai 1939, p.2

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