Le bonheur est à Val-David

Le bonheur est à Val-David
Micheline Loiselle

Val-David célèbrera ses 100 ans d’existence en 2021. Comme bien des jeunes adultes de la région de Montréal du début des années 1960, je suis d’abord venue à Val-David pour assister à des spectacles à La Butte à Mathieu. Ensuite, c’est à l’automne 1969 que j’ai vraiment découvert ce petit village. Alors veuve, enceinte, le moral au plus bas, j’ai pris la route sans savoir où elle me mènerait, probablement en espérant trouver sur mon chemin ce qui me réconcilierait avec la vie. Je ne saurai jamais comment j’ai abouti à Val-David, mais une chose est certaine, j’y ai trouvé ce dont j’avais besoin.

Mon premier contact avec un Valdavidois s’est fait avec le propriétaire du restaurant le Rendez-vous des Campagnards (aujourd’hui Jack Rabbit) au cœur du village. Gérald Beaulne m’a accueillie comme un membre de sa famille. Il m’a servi un pot-au-feu réconfortant et m’a conseillé l’Auberge Le Rouet pour y dormir. J’étais alors loin de me douter que la bienveillance de Pierre Lefebvre, cet aubergiste chaleureux, allait m’inciter à y séjourner régulièrement durant les mois à venir. À chaque passage à l’auberge, j’en profitais pour découvrir un peu plus de ce village qui est devenu, au fil du temps, mon havre de paix. À Val-David, je me sentais revivre.

Village de nature, de culture, de plein air, d’entrepreneuriat, Val-David m’a séduite. J’ai été charmée par la joie de vivre constante de ses habitants dont le but premier était de chercher à être heureux. C’est à partir de ce moment que j’ai compris qu’un jour, je viendrais m’y établir. Ce que je fis en 1973, avec cette nouvelle famille que la vie venait de m’offrir.

Près de 50 ans plus tard, j’aime toujours mon village. Je l’ai vu grandir, se développer, s’épanouir, lutter pour défendre ses acquis et résister aux assauts spéculatifs de certains. Comme plusieurs, j’ai parfois la nostalgie de mon village d’autrefois. J’ai quelques regrets, comme la démolition de notre gare patrimoniale en 1985 ou la perte de notre droit de passage pour la baignade au lac Doré, pour ne nommer que ceux-là. Malgré tout, je considère que nous avons de la chance, car son développement s’est fait, la plupart du temps, de façon harmonieuse. Tout n’est pas parfait, j’en conviens, mais comme dit le dicton : « Quand on se compare, on se console. » Nous n’avons toujours pas de tours à condos ni de gigantesques glissades d’eau…

Val-David est un village qui rayonne grâce à des Valdavidois passionnés qui travaillent avec ardeur à sa renommée. Leur dynamisme exceptionnel est reconnu partout au Québec et même à l’extérieur de nos frontières. Bien sûr, cette notoriété amène de nombreux touristes, ce qui ne fait pas le bonheur de tous les citoyens. C’est néanmoins une richesse inestimable pour le village, surtout que nous attirons une clientèle de grande qualité. Les 1001 Pots, le parc régional Val-David–Val-Morin, le Parc linéaire, les Jardins du précambrien, le Village du père Noël, La Sapinière, nos nombreux artistes, nos commerçants, et le Marché d’été ont fait notre réputation. Il ne faudrait pas oublier que c’est aussi grâce à ces visiteurs, dont certains viendront s’établir chez nous dans le futur, que notre village demeure vivant et prospère et que nous possédons des épiceries de qualité, une pharmacie, un centre de rénovation et de produits de construction, des commerces variés, de bons restaurants et la caisse Desjardins. Il faut être naïfs pour croire que les Valdavidois à eux seuls pourraient faire vivre ces entreprises et les conserver au cœur du village.

Comme partout ailleurs, Val-David n’est pas à l’abri des luttes de pouvoir, des joutes partisanes, des débats houleux et stériles, des affrontements idéologiques ou des controverses interminables. Certains villageois affectionnent de susciter des querelles et, présentement, c’est le Marché d’été qui en paye le prix. Pour ma part, j’aime ce marché et j’en suis fière. Je respecte la passion et le travail colossal des gens qui le bâtissent année après année. J’admire le savoir-faire d’artisans-producteurs passionnés qui aspirent à vivre de leur art. Je considère que le marché est un atout indéniable pour notre village et un lieu de rencontre des Valdavidois des plus convivial. Il est attrayant et j’y retrouve avec bonheur l’ambiance des marchés de Provence. Comme beaucoup d’autres, je souhaite en profiter encore très longtemps.

Au marché, je suis toujours ébahie par la sélection de produits de fabrication locale[1] qui me sont offerts et par la passion dans le regard de ceux qui les ont créés. Je les encourage à ma façon, selon mes besoins et mes moyens. Je ne crois pas, comme le prétendent certains, que le marché soit l’apanage des gens fortunés. Il relève plutôt d’un phénomène de société où le consommateur est motivé par des valeurs personnelles, où il s’efforce d’adopter un comportement écologique et responsable. Il recherche le vrai, l’authentique, la qualité, ce quelque chose de spécial que l’on ne retrouve pas dans les produits industriels. Cela représente un choix de vie.

Réfléchissons. Et si plutôt que de soulever de vaines polémiques dans notre village comme le font certains, notre but premier redevenait tout simplement de « chercher à être heureux » comme les Valdavidois des années 1960…

 

[1]Acheter local, c’est quoi? En 2015, l’Office québécois de la langue française incluait dans son grand dictionnaire terminologique le terme « localivore », formé des termes local et vore (manger). Ce dernier caractérise un mode d’alimentation basé sur la consommation d’aliments ou de mets préparés produits dans un rayon de 160 km ou moins.