Les premiers colons de Val-David: l’acquisition d’un lot

par Michel Allard et Paul Carle, historiens

 

Le futur colon qui désire acquérir une terre située  sur le territoire actuel de Val-David est soumis aux lois et règlements régissant l’achat de lots de terres publiques à des fins de colonisation. Il doit se rendre  à  Sainte-Adèle chez l’agent des terres pour choisir son lot  et  signer un billet de location. S’il respecte toutes  les conditions qui y sont stipulées,  il  peut  alors obtenir les titres de propriété  c’est-à-dire les lettres patentes que les colons désignaient sous le nom de « la patente »

Les conditions d’acquisition d’un lot    

Pour acquérir son lot, le colon doit débourser une somme relativement minime dont le paiement est étalé sur cinq ans ; il est obligé d’en prendre possession dans les six mois suivant la vente, d’y résider ou de le faire occuper par une autre personne  pendant au moins deux ans à compter de la date de vente ; il s’engage à défricher et à mettre en culture au moins dix âcres sur cent (10/100) au cours des quatre premières années, ainsi qu’à construire une maison habitable de seize pieds (4.8 mètres)) sur vingt pieds ( 6 mètres). En revanche, les terres concédées à des colons ne peuvent, du moins au cours des premières années, être grevées d’hypothèques ou être saisies pour le paiement de dettes contractées antérieurement. S’il respecte intégralement toutes les conditions de vente, le colon peut devenir propriétaire de son lot après cinq ans. Si au contraire, il ne satisfait pas à toutes les clauses, il peut être expulsé.*1

Les fondations de la cabane

 

 

La coupe de bois  à des fins  commerciales

Pour remplir ses obligations, le colon doit nécessairement couper du bois, mais il ne peut l’utiliser que pour se chauffer, construire sa maison et ses bâtiments de ferme ou encore ériger des clôtures. Il ne peut  pas vendre le bois, car les droits de coupe et de vente de bois sur presque tout le territoire des Cantons du Nord ont été acquis par des compagnies forestières « qui fournissent 20 à 30 % des revenus de la province et financent les caisses électorales ». *2 Les compagnies forestières en privant les colons d’un revenu d’appoint ont ralenti  le mouvement de colonisation et surtout plongé dans la misère les premiers colons.

 

 

Conclusion,

  Sur le territoire actuel de Val-David comme ailleurs dans les Laurentides, rares sont les  colons qui ont pu respecter intégralement, dans un intervalle  prescrit, de cinq ans toutes les conditions de location. Ainsi, dans le rang 10 du canton Morin, les lettres patentes des dix-sept (17) premiers lots  concédés ne furent obtenues en moyenne que trente-sept (37) ans après la signature du billet de location. Plus est, plusieurs lettres patentes ont été obtenues non pas par les premiers colons eux-mêmes, mais par leurs héritiers légaux. Négligence des colons? Laxisme des autorités gouvernementales ? En réalité, cet intervalle témoigne des difficiles conditions de vie que rencontraient les premiers colons d’autant qu’ils ne pouvaient pas tirer profit de la vente de la coupe  des arbres qui couvraient la majeure partie de la surface de leur lot. C’est le curé Labelle, nommé en 1888 au poste de sous commissaire  au Département de l’agriculture et de  la colonisation qui fera modifier les lois régissant les compagnies forestières en permettant aux colons d’obtenir  à certaines conditions des droits de coupe et de vente  des arbres de leur lot. 

Encart

Le colon et le bois de commerce 

« Personne, M. le Président, ne connaît mieux que moi la position pénible dans laquelle se trouve celui qui entreprend de défricher une terre. Ce pauvre homme ne connaît pas la loi du pays, et il est naturellement porté à regarder ce lot qu’on vient de lui concéder comme sa propriété s’il le parcourt, et le voyant couvert d’une certaine quantité de bois de commerce, il compte sur cette ressource pour l’aider à faire vivre sa famille pendant les premières années de défrichement. Mais à peine a-t-il commencé ses premiers travaux que le marchand de bois survient et lui dit : Vous n’avez pas le droit de couper un seul arbre, le gouvernement qui vous a vendu ce lot m’a réservé tout le bois de commerce. Je vous le demande, M. le Président, que reste-t-il à ce pauvre colon ? Il n’a pas d’argent, la seule ressource sur laquelle il comptait, c’est-à-dire le bois de commerce, lui est enlevée par votre loi ».

Intervention de George-Honoré Deschênes député de Témiscouata à la Chambre d’Assemblée du Québec cité dans C’est  Québec. Université Laval / University ocf Toronto 2003

Le départ vers la forêt
 

*1 Département des terres de la Couronne, Guide du colon 1880, Province de Québec, Lévis Mercier et cie. p. 15-16.

*2 « La colonisation du Québec » in La renaissance catholique au Québec site internet  http://crc-canada.net/