Par Paul Carle, historien
L’arrivée des juifs dans les Laurentides, un projet agricole dont les limites apparaissent rapidement (1900-1915)
Plusieurs juifs, à leur arrivée au Québec seront tentés par l’agriculture. Certains des arrivants d’Europe de l’est seront attirés par la terre. Dans leur Russie natale, l’accès à la propriété foncière leur était refusé. Les terres se vendent à prix raisonnable dans les pays d’en haut; plusieurs se plaindront qu’on a omis de leur parler des terres de roches, du rude climat (environ 70 jours garantis sans gel) et du nettoyage obligatoire des chemins qui passent devant leur propriété. Plusieurs philanthropes aideront à l’installation de communautés juives au nord de Montréal. La Jewish Colonization Association fondée par le philanthrope Baron Maurice de Hirsch offrit des terres à ceux qui voulaient tenter l’expérience dans les Hautes-Laurentides à la Macaza. En 1900, 50 familles juives y fondent une communauté. Les débuts sont plus modestes à Sainte-Agathe. Trois projets sont documentés : l’installation d’une commune dans le secteur Préfontaine, l’installation de la famille Levine dans le secteur du Lac-à-la-truite, l’installation de la famille Dalys dans le secteur du lac Brunet
Des familles Ofner, Gillitz, Corn, Shuldiner et Smith, appuyé par Sir Mortimer Davis se lancent dans le projet d’une commune agricole dans le secteur de Préfontaine. Il semble que 160 acres de terrain leurs aient été donnés par la Jewish Colonization Association. On ignore si cette commune était de tendance marxiste. Rappelons que parmi les juifs qui ont fui la Russie à cette époque, plusieurs étaient de tendance communiste.
La commune de Préfontaine ne dura pas 5 ans. Sir Mortimer Davis devra reprendre le terrain, il en fera don à un médecin qui lancera en 1909 le premier sanatorium juif au Canada, le Mont-Sinaï. Le sanatorium fut d’abord installé dans une bâtisse en bois de 12 chambres qui pourrait être l’ancienne ferme de la commune. Cette bâtisse fut souvent agrandie par la suite.
Alter et Sima Levine arrivent à Montréal en 1903 avec leurs 7 enfants. Levine, qui aurait aimé joindre la commune de Préfontaine, n’y trouve ni l’espace ni les ressources nécessaires pour y faire vivre toute sa famille; il acquiert sa propre ferme à proximité (au Lac-à-la-truite). Avec ses huit enfants, ils formaient pratiquement à eux-mêmes une commune. Alter Levine tombera dans une profonde dépression après l’échec de la commune. Au lieu de diriger la famille et cultiver avec diligence, il est devenu un fardeau suicidaire. Sa femme et ses enfants permettront à la ferme de survivre et de s’agrandir. Elle s’étendra sur les lots 36 et 37 du Xème rang du canton Morin sur le territoire actuel de Dal-David.