Louise Duhamel : chef et cuisinière émérite
Par Jocelyne Aird-Bélanger,
Texte paru dans le ski-se-Dit mars 2021
Crédit : Christian Lacroix, photographe
Il y a si peu de femmes CHEFS dans les grandes cuisines au Québec, qu’on ne sait trop si on devrait féminiser le titre ???? Peu importe, dans le cas de LOUISE DUHAMEL, pas de problème, elle a coiffé toutes les toques possibles depuis qu’elle a ouvert son premier restaurant à Ste-Agathe avec son mari Louis Gravel, il y a plus de quarante ans.
Ce restaurant, le LOUP GAROU s’est déplacé quelques années plus tard à Val-David. Au cours des ans, grâce à leur travail, la Chef et son mari ont vu leur restaurant évoluer et passer de la vocation de bistro à celle d’un restaurant de fine cuisine régionale. Il s’est vu attribuer les 4 fourchettes du Ministère du tourisme québécois et fut membre fondateur du mouvement de promotion de la Cuisine Régionale. Plusieurs gourmands et gourmets de Val-David et des alentours se rappellent avec plaisir de joyeux repas pris dans ce restaurant raffiné et le virent avec regret, fermer ses portes en 1993.
Louise et la cuisine, c’est une histoire qui date de loin…Enfant, Louise ne jouait pas à la poupée, non ! C’est au restaurant qu’elle aimait s’amuser en dirigeant ses sœurs dans la cuisine du chalet pour servir des lunchs à sa famille pendant les vacances ! C’est aussi cueillant des chaudières de fraises et de framboises ou en allant traire les vaches sur les terres de ses grands–parents maternels et paternels quand elle était petite, qu’elle a appris en les goûtant, les qualités essentielles de produits frais cultivés avec soin directement chez les producteurs. Ces notions de base ne s’oublient pas et seront la fondation de toute la démarche gourmande et raffinée de notre Chef du début à la fin de sa carrière.
Dans sa famille, l’alimentation était de première importance et tout ce qui avait de près ou de loin un rapport avec la cuisine intéressait et passionnait la jeune femme à ce sujet. Elle a même tenté de s’inscrire à un certain moment à l’ITHQ (Institut de tourisme et d’hôtellerie du Québec). On la refusa sous prétexte que c’était un métier d’homme, trop exigeant pour une femme puisqu’il fallait parfois transporter des quartiers entiers de bœuf entre autres choses ! Cela ne l’empêcha pas, pour parfaire sa formation, de suivre plus tard de nombreux stages dans des cuisines en Italie et en France dont un à l’hôtel Crillon Place de La Concorde à Paris.
Comme d’autres chefs et divers membres du personnel de cuisine, Louise a changé souvent de genre de travail au fil de son évolution et des demandes qu’elle recevait. C’est ainsi qu’après avoir été propriétaire de restaurant, elle s’est retrouvée Chef exécutif d’un hôtel de luxe, membre de l’association Relais et Châteaux le Langdon Hall Country In and Spa à Cambridge en Ontario, à 45 minutes au sud de Toronto.
Elle habitait alors avec sa petite famille, une grande maison directement sur le site de l’hôtel. Heureusement, car, au début, elle travaillait jusqu’à 90 heures par semaine. A la tête d’une brigade d’une douzaine de personnes, elle approvisionnait sa cuisine à partir des serres de l’hôtel qui fournissait à l’année le miel de leurs ruches, des légumes frais et des herbes et auprès de producteurs locaux qui lui apportaient des asperges fraîches, du canard, du gibier ou de l’agneau de la région. Pour servir plus d’une centaine de repas, aussi bien à la salle à manger qu’à la salle de réception qu’au bar ou à la terrasse, il fallait consacrer tout son temps à cette tâche qui fut si bien réussie et si bien appréciée que le Langdon Hall fut reconnu comme un hôtel 5 diamants par le CAA et classé comme la deuxième meilleure table en Amérique par la revue de prestige GASTRONOMY. Ce travail, on le devine, est extrêmement demandant : la ou le Chef est à l’oeuvre les jours de congé, à Noël ou au Jour de l’an, le jour de la fête des mères, le matin, le midi et le soir…. Pendant toute cette période qu’elle qualifie de très belle expérience, Louise a pu compter sur son conjoint qui s’occupait avec diligence de leur petite Laurence. Après 6 ans, ce fut à nouveau le temps de changer de travail pour être plus près de sa famille…
Louise devint alors enseignante et chef de cuisine dans une école de cuisine à Burlington au Vermont puis chef consultante pour diverses instances à Montréal et ailleurs. Elle fut également chef invitée à divers endroits avant de devenir chroniqueuse culinaire à la CBC à Toronto et à Radio-Canada lors d’une émission quotidienne animée par Claude Saucier. Professeur, elle enseigna par la suite à l’École d’Hôtellerie des Laurentides à Ste-Adèle pendant 5 ans.
En regardant le chemin parcouru, la Chef Louise apprécie particulièrement le fait d’avoir rencontré autant de gens intéressants qui lui ont tant appris au cours des ans. Le métier de Chef exécutif lui aura permis de voyager aussi bien au Québec, qu’au Canada ou encore en Europe ou au Guatemala où elle fut invitée à préparer un repas pour le Président du pays. Elle regrette pourtant que la présence des femmes chefs soient moins reconnue au Québec alors qu’elles font de plus en plus leur place dans ce métier jusqu’à date essentiellement masculin. On pourrait s’étendre encore longtemps sur cette carrière remarquable dont Val-David a la chance de profiter aujourd’hui puisque Louise écrit une chronique mensuelle de cuisine dans le journal Ski-se-dit en plus de planifier et de coordonner plusieurs fois par année avec d’autres bénévoles, ces sympathiques et délicieux Dîners communautaires qui manquent à tant de personnes actuellement.
L’art culinaire, les arts de la table, la gastronomie, sont une affaire de chefs, d’équipe de travail, de producteurs responsables, de savoir-faire et d’invention, de connaissances nombreuses er intégrées, de recherche et de rigueur, de découverte et de plaisir où le goût, l’odorat et la vue sont invités. Toutes ces formes subtiles font partie d’un art que Louise Duhamel connaît très bien, l’Art de vivre…