VAL-DAVID AU FÉMININ – LA FORCE DU CŒUR
Par Jocelyne Aird-Bélanger
Notre village est aujourd’hui centenaire centenaire. Pourquoi ne pas en profiter pour refaire le chemin qui nous a mené jusqu’à aujourd’hui en retraçant l’itinéraire de nombreuses femmes qui ont contribué à l’évolution et au développement de notre municipalité. L’Histoire telle qu’on la lit, qu’on la construit, qu’on la raconte, insiste notamment sur ces messieurs, notaires ou curés, maires ou chefs de gare, marchands ou gérants de banque, ministres ou aubergistes, etc. Justement, c’est en compagnie d’UNE femme qui fut des années aubergiste, que je me propose d’entreprendre ce voyage résolument féminin.
Carmelle LaBrèche Cavezzali, native de Hull (aujourd’hui Gatineau), habite Val-David depuis 1959, soit un bon 60 ans cette année. Toute jeune, elle vint passer quelques jours à LA CORDÉE, une auberge de jeunesse à Val-Morin. À la fin des années ’50, ce genre d’établissement où garçons et filles se rencontraient dans une atmosphère cordiale et décontractée, commençait à peine. Chaque auberge, sous l’égide des scouts ou d’autres mouvements de jeunesse endossés par l’église, était administrée par une sorte de gentil organisateur responsable des activités et du fonctionnement. À l’auberge de Val-Morin, c’était un jeune italien, arrivé de fraîche date au Québec, familier avec ce genre d’hébergement qu’il avait contribué à installer dans son pays d’origine après la guerre. On aura reconnu Franco Cavezzali que Carmelle épousera bientôt et avec qui elle ouvrira une autre petite auberge à Val-Morin, LA STRADA. Ils étaient sans le sou mais étaient jeunes, travaillants, très motivés et pleins d’énergie. Deux ans plus tard, c’est à Val-David que le jeune couple et leur enfant s’installent en achetant la maison de Simone et Roger Campeau, face au camping de l’Épinette bleue sur le rang 1 Doncaster. Commence alors l’aventure et le développement ininterrompu de l’Auberge du Vieux Foyer où presque tous les jeunes Campeau, Légaré, Davidson et autres ont un jour travaillé. Une salle à manger sera ajoutée à l’auberge, puis un salon et ce vieux foyer où cuira régulièrement du bon pain frais pour le plus grand plaisir de clients. Venus du Québec ou de l’étranger, ils prendront vite l’habitude de revenir régulièrement à cette auberge. Être nourris et logés pour $5.50 par jour au tout début, avec en plus tout un programme de conférences, de démonstrations et un accès facile aux activités de plein air, difficile de trouver mieux ! En plus de tenir et d’administrer leur entreprise, pendant 20 ans, de 1959 à 1979, Carmelle et Franco auront 3 enfants tout en agrandissant chaque année cette jolie auberge qui existe toujours.
Carmelle qui avait complété des études en pédagogie, s’est impliquée dans les Comités d’école tout le temps que son garçon et ses deux filles ont fréquenté les écoles de Val-David et l’école secondaire de Ste-Agathe. Elle est même retournée enseigner quelques années après avoir laissé l’auberge. Son expérience en administration lui fut également très utile pendant les quatre années suivantes où elle fut la coordonnatrice des Créateurs associés, ce groupe qui réunit une cinquantaine d’artistes et d’artisans de 1975 à 1990. Elle développa alors une grande admiration pour leur énergie créatrice et leurs constantes innovations. Elle organisa avec eux des colloques à l’Hôtel La sapinière, des échanges avec la Bretagne entre autres et fit avancer le dossier qui se conclut par l’acquisition du Centre d’exposition de Val-David.
On la retrouve de 1991 à 1999, occupant deux mandats de quatre ans comme conseillère municipale, souvent chargée des dossiers culturels. Au Conseil de ville, grâce à l’expérience acquise à l’auberge, Carmelle mit en pratique sa connaissance de notre milieu et du tourisme qui fréquente notre village. C’est au sein des Jeunesses étudiantes catholiques, dont elle fit partie comme tant d’autres jeunes adultes autrefois et où elle obtient un de ses premiers emplois, qu’elle apprit à organiser son travail et à défendre ses idées avec clarté.
Carmelle constate avec plaisir l’évolution de Val-David qu’elle a vu s’épanouir au contact des nombreux touristes et des nouveaux résidents qui ont apporté à notre village du travail et des idées. Jeune, elle revenait parfois en ski de fond à l’auberge avec son mari, tous deux chargés des achats qu’ils venaient de faire à Ste-Agathe. Pendant ce temps, les portes de l’auberge restaient ouvertes pour les clients qui rentraient avant eux et trouvaient une note leur disant que le repas leur serait servi dès le retour des aubergistes. Et tout le monde était content ! Les temps ont bien changé ; les portes sont moins ouvertes à tous vents mais ceux qui, comme elle, ont fait confiance aux gens et travaillé sans n’avoir jamais compté que sur eux-mêmes, laissent à notre village un esprit de solidarité et une forme de dynamisme toujours prêt à éclore et à s’ouvrir à d’autres horizons.