Par Michel Allard et Paul Carle
Même s’il aurait mieux trouvé chronologiquement sa place ailleurs, nous vous présentons d’emblée ce court texte qui nous parle du nom Val-David et des aléas de son officialisation.
La proclamation des lettres patentes de la municipalité du village de Saint-Jean-Baptiste-de-Bélisle est, rappelons-le, publiée le 28 mai 1921 dans la Gazette officielle du Québec. Le 1 février 1923, le bureau de poste et la station de chemin de fer du Canadien-Pacifique changent leur nom de Belisle’Mill en celui de Val-David en l’honneur du sénateur Laurent-Olivier David, représentant au Sénat de la division Mille-Isles, et de son fils l’honorable Athanase David, secrétaire de la province et député du comté de Terrebonne à la législature du Québec . L’année suivante, la commission scolaire adopte à son tour le nom de Val-David .
Le commerce et bureau de poste de Belisle’s Mill, appartenant à Isaie Deschamps, vers 1910. Collection Musée McCord 1-
Il va sans dire que ces changements de nom créent de la confusion. L’adresse postale diffère de celle de la municipalité. C’est pour y mettre un terme qu’en 1925, le conseil municipal adopte à l’unanimité une résolution à l’effet qu’une demande soit adressée « auprès des autorité (sic) provincial (sic) afin de faire changer le nom de St Jean Baptiste de Bélisle (sic) par celui de Val David (sic) attendu que le bureau de poste, la station et la Commission scolaire porte(sic) déjà le nom de Val David .
Les autorités provinciales ne donnent pas suite à cette requête. À cet égard , nous n’avons trouvé aucune trace de la raison invoquée par le gouvernement provincial. Nous ne savons pas non plus si la demande a été étudiée par la Commission de géographie du Québec, instituée en 1912, ancêtre de l’actuelle Commission de toponymie du Québec créée en 1977.
Nous ne pouvons que supposer que des arguments d’ordre éthique ont prévalu, Athanase David occupait depuis 1919 , au sein du gouvernement de Louis-Alexandre Taschereau le poste de Secrétaire de la province. Athanase David quittera le gouvernement du Québec au début des années 1940 pour siéger comme sénateur à Ottawa jusqu’à sa mort survenue en 1953.
Nos édiles municipaux n’attendent pas le bon plaisir des autorités provinciales pour rebaptiser officieusement leur village. En 1927, ils demandent à l’honorable Perron ministre de la Voirie ainsi qu’à l’honorable Athanase David, député du comté de Terrebonne, que la route reliant Sainte-Agathe à Montréal soit déclarée « route régionale avec les mêmes avantages que la route nationale directe pour l’entretien » d’autant, ajoute-t-on, « que cette route passe par la municipalité de Saint-Jean-Baptiste-de-Bélisle ainsi que par le village de Val-David » . En 1928, le Conseil municipal adopte unanimement un règlement libellé comme suit : « Règlement ( no 16) l de la corporation de St Jean Baptiste de Bélisle (Val David) comté de Terrebonne octroyant a Monsieur J.A. Fournier et ses successeurs et ayant droits certains privilèges relativement à l’établissement d’un système d’aqueduc dans les limites de cette municipalité » .
Par la suite, nous retrouvons notamment la mention de village de Val-David dans la formule du serment d’assermentation des officiers de la municipalité de Saint-Jean-Baptiste-de-Bélisle. La coutume d’utiliser indifféremment les appellations Saint-Jean-Baptiste de Bélisle et/ou Val-David s’établit et perdure.
Cependant, il faut attendre au 17 juin 1944 afin pour que le Lieutenant-gouverneur du Québec approuve « suivant un rapport du Comité de l’honorable Conseil exécutif, le changement de nom de la municipalité du village de Saint-Jean-Baptiste-de Bélisle en celui de « municipalité du village de Val-David » . Notons que cette décision n’est prise que moins de deux mois avant que le parti de l’Union nationale dirigé par Maurice Duplessis soit porté au pouvoir aux dépens du gouvernement libéral sortant dirigé par Adélard Godbout.
Saint-Jean-Baptiste est enfin relégué dans son église et Bélisle dans son moulin.
Notes: Les auteurs ont consulté des procès-verbaux de la municipalité de St-Jean-Baptiste de Bélisle, la Gazette officielle du Québec et le journal L’Avenir du Nord.
1-Un premier bureau de poste a été ouvert en 1873 , Il a fermé en 1891 mais, réouvert en 1893 sous le nom de Mont-Morin . Il a pris le nom de Belisle’s Mill en 1901. Archives publiques du Canada PSFDS03-29110