Extrait du journal Ski-se-Dit, avril 2006
Ma découverte de la Butte à Mathieu
Claude Lavallée
Depuis que j’ai l’occasion de soulever périodiquement le voile sur le passé de certains événements qui se sont déroulés à Val-David, j’ai cru bon récidiver à nouveau en vous rapportant un fait que je considère amusant qui s’est déroulé à la légendaire Butte à Mathieu. L’histoire commence en 1961 quand j’ai eu l’honneur et le privilège de rencontrer immigrant de France récemment débarqué, Bernard Chaudron, qui venait d’occuper sa nouvelle résidence à quelques dizaines de mètres de chez moi sur le chemin Doncaster à Val-David. Durant l’année précédente, lors d’une soirée des anciens des Feux-Follets, un groupe folklorique de danses internationales qui s’étaient regroupé à l’auberge Le Rouet à Val-David, à la demande de l’aubergiste Pierre Lefebvre, j’avais donné un spectacle de pantomime qui suivait celui du réputé mime Québécois Claude Saint-Denis, lui-même un disciple du fameux mime français de réputation internationale, Marcel Marceault.
Quelques mois après s’être installé, Chaudron m’a informé que notre concitoyen, Gilles Mathieu, membre du Ski Club Val-David a décidé d’ouvrir un théâtre pour chansonnier, qualifié à l’époque de boîte à chanson, dans l’ancienne grange de son père rue Monty à Val-David. Sachant que Chaudron pratiquait un métier assez étrange d’après les citoyens de Val-David et malgré que Gilles n’était pas mieux avec ses idées «flayées» toujours d’après nos concitoyens, j’ai tout même accepté l’invitation de Gilles de faire parti du spectacle à la Butte à Mathieu. Ces derniers savaient que je faisais encore à l’occasion du pantomime, une activité que j’avais développée seul à l’âge de 17ans en 1950 avec laquelle je me faisais un revenu d’appoint dans des Clubs de nuit du Québec, entre autres dans les cabarets le Canasta et le Démocrate, situé respectivement à l’époque, au sud et au nord de la «main» à Montréal. Soit dit en passant, d’après la Loi sur les débits de boisson, je n’avais pas droit d’y accéder à moins d’être âgé de 18ans.
Le soir d’ouverture venue, nous nous sommes retrouvés à la Butte, Bernard Chaudron et moi avec une vingtaine d’amis et de connaissance, assis sur des madriers à regarder des chansonniers et autres artistes de scène, passer tour à tour qui venaient ensuite s’asseoir dans la salle avec nous pour regarder le suivant. Nous étions tous vêtus comme le voulait la coutume de l’époque, d’un veston, d’une chemise blanche et d’une cravate. Puis, Gilles Mathieu m’a fait signe que j’étais le suivant. Je me suis installé discrètement dans les coulisses en attendant que mon précédent présente son premier spectacle à la Butte, qui soit dit en passant avait une présence électrifiante. Après son deuxième tour de chant, l’interprète s’est retiré de mon côté pendant que le public l’applaudissait chaudement. Il s’est alors tourné vers moi et m’a demandé: «Comment tu trouves ça?». «Pas mal!» lui ai-je répondu, avant qu’il aille saluer le public une dernière fois. Puis ce fut à mon tour de démontrer mes talents. Si ma mémoire est bonne, je crois avoir eu autant d’applaudissements que mon précédent.
Quand nous avons fini le spectacle, pendant que l’on buvait un café, que Gilles Mathieu nous avait offert en guise de gage, je lui ai demandé d’où sortait le gars avec les grands cheveux qui m’a précédé et qui chantait de la Pitoune de quatre pieds avec un drôle d’accent! Gilles me répondit «Il vient de Natachkouan»… «Natache quoi?» lui ai-je demandé. «C’est dans le bas du fleuve», a-t-il ajouté. «C’est quoi son nom?», «Gilles Vigneault!» m’a-t-il répondu. «Connais pas».