Article de Michel-Pierre Sarrazin paru dans le SKi-se-Dit , avril 2014
Il n’y a probablement pas une maison de Val-David qui n’ait, quelque part dans sa structure, des matériaux venant de chez Eugène Monette, le BMR de Val-david. Eugène nous a quittés dans la nuit du 3 au 4 mars dernier ( 2014) . À la retraite, il se promenait tranquillement, hier encore, rue Lavoie. Après toute une vie consacrée à dompter la forêt et le commerce pour le développement de son village, qu’il aimait par-dessus tout.
Né à Sainte-Lucie en 1928, Eugène Monette, troisième d’une famille de neuf enfants, a épousé Noella Aveline en mai 1950. Ils auront dix enfants avant que Noella ne décède en 1974. Comme beaucoup d’hommes de cette époque dans la région, Eugène a d’abord été bûcheron. Mais il aimait les arbres d’une façon pas ordinaire. D’un coup d’oeil, il savait combien de poutres ou de planches il pouvait faire dans celui-ci, combien de temps il fallait laisser à ce boisé-là pour que les épinettes, les sapins, les érables, les hêtres et les frênes prennent toute leur valeur. Eugène aimait aussi beaucoup les chevaux. Il faut dire qu’ils ont pas mal travaillé ensemble, au cœur de la forêt. Ça créé des liens. La nature, dans ce temps-là, était forte : il fallait des hommes et des chevaux forts pour en tirer subsistance.
En 1948, à l’âge de 20 ans, il acquiert un bon cheval et un bucksaw. Il achète ses premières coupes de bois. Neuf ans plus tard, il s’équipe d’un moulin à scie portatif. Celui du Belisle’s Mill d’antan, devenu le moulin à Leroux, sur la rivière du Nord, n’est plus qu’un souvenir démembré au bord de l’eau, dont quelques artistes, incluant René Derouin, iront immortaliser le souvenir, en y peignant des tableaux.
Avec son moulin, Eugène transforme ses arbres en planches et en poutres, qu’il vend alentour. C’est le début d’une grande aventure commerciale. En 1979, il s’associe au groupe BMR, un regroupement de marchands qui compte alors soixante-dix membres. L’entreprise culmine aujourd’hui avec sa fille Micheline aux commandes et à la vice-présidence du Groupe BMR. BMR Eugène Monette exploite actuellement quatre succursales dans la région, à Val-David (où le moulin à scie, 1er Rang Doncaster, est toujours actif), à Sainte-Agathe-des-Monts, à Saint- Adolphe-d’Howard et à Sainte-Marguerite.
En mai 1985, dans le journal Ski-se-Dit, Noël Dubois trace le portrait suivant d’Eugène Monette : « Un homme d’affaires émérite, qui n’a jamais refusé de s’impliquer, à un moment ou un autre, dans le système communautaire du village. Ceci en siégeant au comité de crédit de la Caisse populaire depuis… 23 ans! Il a été conseiller municipal; il s’est occupé du Club de motoneige de Val-David; il n’a jamais refusé de commanditer les activités sociales de son village et même le fait encore, en parrainant une équipe de hockey. Depuis 25 ans (en 1985), sa spécialité a toujours été les matériaux de construction. (…) La Chambre de commerce de Val- David félicite M. Eugène Monette pour sa persévérance et son succès. »
Lorsque Eugène passe les commandes à sa fille Micheline, le commerce est déjà bien établi : neuf camions, trois monte-charge motorisés, dix-huit employés à temps plein et jusqu’à vingt-cinq en plein été. BMR Eugène Monette est déjà une référence solide dans la région.
Le père de Micheline, de Gérald (décédé en 1995 à l’âge de 42 ans), de Christiane, d’Yvan, de Christian (décédé en 1970 à l’âge de 13 ans), d’Anne, d’Isabelle, de Sylvie, de Marie-Claude et de Nathalie aimait sa famille avec constance et conviction. Il avait aussi un faible pour les arbres, les chevaux, la pêche; il aimait bien rire et sourire en silence, lorsqu’il contemplait son village, qu’il a beaucoup aidé. Je me souviens d’avoir jasé avec lui, rue Lavoie, sur le fil des saisons, sur la Floride et sur ce qui comptait le plus pour lui : les siens, et son village. Il aimait la vie, même dans ses détours difficiles. C’est pour se souvenir d’hommes comme lui que le Québec a la devise qu’il a.