Histoire de l’auto-neige (devenue motoneige) à Val-David

Par Paul Carle

 

Ce texte n’aurait pas été possible sans le « travail de moine » de Claude Lavallée effectué vers 2005, ses entrevues avec Guy Brazeau et Donald Poiré, la numérisation qu’il a faite alors de la brochure publiée en 1986 pour le 20ème anniversaire du club Auto-neige de Val-David, et de son texte.

 

Album souvenir paru dans le Supplément de L’Information du Nord, 1986 (Collection Claude Lavallée)
 

Introduction

Aujourd’hui, il semble difficile d’imaginer des motoneiges sillonnant les sentiers du Parc Régional Val-David-Val-Morin. Et pourtant, rappelons qu’au début des années soixante, les motoneigistes se déplaçaient d’un village à l’autre dans la plaine comme en montagne. Les activités motorisées ont cessé en 1992 alors que le conseil municipal nouvellement élu a voté une résolution interdisant toutes les activités sportives motorisées à Val-David. Quelques années plus tard, c’est la municipalité de Val-Morin qui en fera autant pour le grand plaisir des adeptes des activités sportives pleine nature.

L’auto-neige ou motoneige

Conçu à l’origine pour le transport utilitaire, ce sont surtout les randonneurs qui vont l’acheter en grand nombre et un faire un véritable sport. Au début des années 1950, la motoneige apparait un peu partout à la campagne dans les champs des cultivateurs au Québec. Les gens découvraient le plaisir de se déplacer sans restriction sur une machine qui pouvait les transporter sans trop d’effort à travers les plaines d’un village à l’autre. Puis un jour, certains d’entre eux qui se sentaient plus téméraires ont cru bon d’essayer ces engins dans les pentes. Et pourquoi pas dans les montagnes! Le plus fameux des skieurs et créateur également de réseaux dans les Laurentides, Jack Rabbit Johannsen s’y opposait farouchement. Il en a fait son cheval de bataille à l’époque. Il craignait en effet que cette machine infernale finisse, d’après ses dires, par éliminer complètement les derniers skieurs de randonnée.

Dès le début des années 1960, les premiers clubs de motoneige au Québec se forment. Ce sont d’abord des regroupements en général très peu structurés. Cependant, dès 1962, les premiers clubs avec charte et l’Association canadienne de l’autoneige (ACAN) sont créés. En 1968, on assistera à la fondation du Conseil international de la motoneige (ISC) qui regroupe les fédérations de motoneigistes du Canada et des États-Unis. Les clubs et les fabricants de motoneiges commencent à promouvoir l’aménagement de sentiers spécialisés.

Le club Auto-neige Val-David-Val-Morin

           

 

Louis Piché (archives Claude Lavallée)
 
 
 
 
 
 

      

 
 
 
 
Premier écusson du club (archives Claude Lavallée)

 

 

 

En 1964, Sainte-Agathe-des-monts s’était dotée d’un club d’autos-neige. Vers 1967, l’homme d’affaires de Val-David Jacques Piché fonde le Club d’auto-neige de Val-David/Val-Morin. Il semble que l’idée première soit celle de René Thisdèle qui en devint le premier vice-président. Le relais du club était en montagne, dans un bâtiment offert par les Frères des Écoles Chrétiennes qui s’en servait comme cabane à sucre et que l’on nommera le Relais Plein Lune. Le club obtient sa charte en novembre 1967. La première rencontre de ses membres a lieu à l’hôtel Mont-condor au Lac Doré; la cotisation au club y est fixée à 5 $ par an.

Pendant plus de vingt-cinq ans, à la fin de janvier de chaque année, le club a tenu un festival pour ses membres, le 32 heures. En effet, plusieurs centaines d’entre eux se donnaient rendez-vous avec leur puissante mécanique pour fraterniser à la cabane à sucre des frères des Écoles Chrétiennes. La fête durait trente-deux heures d’affilée. On servait souvent plus de 1000 assiettes de spaghetti à cette occasion. Cette cabane servait également de relais d’hiver pour le club. Le bâtiment, qui existe toujours le long de la piste Gillespie, est situé au milieu du Secteur Far Hill, du parc régional actuel (à confirmer si vous avez de l’information).

Dès la naissance du club, soit quelques années avant l’obtention de la charte, des bénévoles de qualité ne comptaient pas leur temps pour améliorer les conditions des sentiers et ce avec les grattes les plus rudimentaires. Grâce à ces gens, le club Val-David prenait de l’ampleur et s’améliorait à chaque année. Le club fit l’acquisition d’une petite bâtisse et l’installa sur la route 117 où il devient un bureau touristique opéré gratuitement par le club Val-David et ses bénévoles. A cette époque le club avait ses randonnées du mercredi et ses grandes randonnées annuelles.

MEMBRES DU BUREAU DE DIRECTION DU CLUB VAL-DAVID/VAL-MORIN (1967-1971)

Jacques Piché

René Thisdèle

Rénald Charron

Pierre Lessard

Jean-Marie Bigras

Marcel Bélair

Jean-Denis Viau

Marcel Longtin

Ovide Monette

Guy Lagacé

Jacques Ménard

René marinier

Hubert Ferno

Rosaire St-Laurent

Jacques Vendette

Pierre parent

Jacques Leroux

Gaétan Gareau

Alcide Boutin

Gérard Vendette

Maurice Paquette

Laurent St-Amour

Tancrède Vendette

En 1971 on envisage la séparation du club en 2 entités, Val-David et Val-Morin; la séparation se fait officiellement en septembre 1971; elle est confirmée par l’assemblée générale annuelle en novembre 1972.

MEMBRES DU BUREAU DE DIRECTION DU CLUB VAL-DAVID (À PARTIR DE 1971)

Réal Gagné

Alcide Boutin

Laurent Lachaine,

Gilles Lefevbre

Michel Parent

Gaétan Gareau

Jacques Ménard

Pierre Parent

Jacques Leroux

Jacques Piché

Louis Vaillancourt

Fernand Vendette

Jacques Bigras

Romuald Bigras

Guy Lagacé

Robert Frenette

Eugéne Monette

Christiane Monette

Robert Ménard

Aurèle Cloutier

Donald Poiré

Jean Vendette

Mario Vendette

Élyse Poiré

Claudette Aveline

Jacques Monette

François Albert

Luc Pichette

Pierrette Sylvestre

Louise Legault

Valère Lapierre

Marcel Legault

Robert Locas

Stephane Ménard

Réjean Deslauriers

Michèle L . Desormeaux

Sylvain Cloutier

Marc Legault

Jacques Pépin

Lise Desroches

Donald Aveline

Le club fait tirer à chaque année une ou plusieurs auto-neiges. En 1968 club devient membre de l’association des clubs auto-neiges des Laurentides et de l’association canadienne d’auto-neige (ACAN). En 1970, le bureau de direction procède à l’engagement de main-d’œuvre pour le défrichement de sentiers à 1.50 $ de l’heure.

On publie une première carte des sentiers en 1972. Fin 1972 le coût de la carte de membre est fixée à 10 $

En 1974 Guy Lagacé propose que la vente de plumes, et de billets de tirage soit confiée à des duchesses et que la meilleure vendeuse soit couronnée reine du Club. Le club décide également d’organiser un repas de fèves au lard au relais Pleine Lune, le premier d’une longue série de rendez-vous qui deviendront les fameux 32 heures annuels de spaghetti.

Vers 1974, alors que le ski de randonnée connaît un essor incroyable, surgissent des problèmes aigus quant à la sécurité dans les sentiers, générant des conflits entre ce sport et la motoneige. Le club a connu là ses premières difficultés.

Durant la saison 1973-74, un membre influant du club, Donald Poiré, a constaté que les affrontements augmentaient entre les motoneigistes et les skieurs de randonnée quand par hasard ils se croisaient dans les pistes. Cela n’avait rien de bon pour l’avenir des deux activités sportives. Poiré a alors eu l’idée de mettre sur pied une équipe de secouristes certifiée qui viendrait en aide aux motoneigistes en détresse et aux skieurs également. Le projet fut nommé Opération Secours. C’était la première fois au Québec, et probablement dans le monde, qu’un projet semblable était proposé. L’équipe de secours s’occuperait d’évacuer les skieurs blessés au cas échéant. Le Club obtient même un vrai traineau de secours de la patrouille canadienne de ski (jusqu’à 30 motoneigistes feront partie de l’Opération). Donald Poiré espérait par ce geste, que les confrontations entre les belligérants puissent cesser. Durant les premières cinq années, sur les territoires de Val-David et de Val-Morin, quatre-vingt-seize opérations de sauvetage furent effectuées pour transporter des skieurs de randonnées blessés et quatre autres opérations, pour des recherches en forêt. Durant la même période, pas un seul accident impliquant des motoneiges ne fut déploré. Plus de la moitié des opérations furent exécutées gratuitement par Donald Poiré et Gaétan Gareau.

En 1975 le club organise une journée pour les enfants, le 2 mars, au relais Pleine lune avec une messe célébrée par l’aumonier du club, le curé du village Irénée Bélanger. Le 23 décembre 75 on décide l’achat du Ski Dozer SV-200, un surfaceur de qualité pour l’entretien des sentiers; en 1977 on l’équipera d’un système CB notamment pour compléter le système « opération secours ».

En 1980 à l’assemblée générale annuelle, on hausse la carte de membre à 25 $ (individuelle) et 35 $ (tarif famille); on y discute du projet de parc Val-David/Val-Morin afin de tenter de sauvegarder « les droits acquis chèrement au fil des ans ». Pour les membres du club les objectifs du vivre ensemble entre les skieurs et les motoneigistes sont pleinement atteints.

En 1992, les adeptes des activités physiques pleine nature ont accepté d’appuyer l’élection du nouveau conseil municipal de Val-David, à condition que les conseillers décrètent l’exclusion des motoneigistes sur le territoire. Deux conseillers nouvellement élus qui étaient des adeptes de la motoneige continuaient à dire; « Qu’il y avait de la place pour tous les sports à Val-David ». Les autres conseillers étaient d’opinion contraire. Pour eux, il fallait éliminer sur le territoire non seulement la motoneige à Val-David, mais toutes les autres activités motorisées de loisirs. Six mois plus tard, le nouveau conseil votait une résolution dans ce sens. Cette décision a mis un terme aux activités du Club Auto-Neige. Le Club Val-David a fini par se dissoudre.

Toutefois, le valdavidois Donald Poiré a continué son bénévolat comme vice-président à la Fédération des Clubs de Motoneige du Québec- (FCMQ). Il présidait également l’Association Motoneigiste Trans-Laurentienne. Il était en même temps, vice-président du Club des motoneigistes de Sainte-Lucie et à la fois, président de la Commission de sécurité de la FCMQ. À ce poste, il a réussi un tour de force en faisant changer les lois au code de la Sécurité routière du Québec afin que des bénévoles de la FCMQ puissent être formés et assermentés au même titre que des policiers, afin d’assurer la sécurité dans le réseau des sentiers (chemins) pour motoneiges. Après la décision d’exclure la motoneige sur le territoire de Val-David, Donald s’est farouchement opposé à son retour, malgré le fait que certains commerçants voulaient revenir en arrière. Quelques années avant sa mort lors d’une entrevue qu’il a accordé à Claude Lavallée, il avait affirmé; « Nous avions réglé le problème au contentement de tous et nous devons respecter cette décision! Nous n’avions aucune animosité envers qui que ce soit » avait-il ajouté. « J’admire ceux qui se sont battus pour rayer le sport de la motoneige sur le territoire de Val-David. Ils ont continué à se battre pour sauvegarder les activités physiques pleine nature et ils ont réussi  à acquérir le Parc régional Dufresne Val-David/ Val-Morin. J’espère qu’ils concrétiseront leurs projets et trouveront les sources de financement requises pour sa mise en place ». (ce qui fut fait en 2005 avec le paiement total des expropriations).

 
 
Gaétan Gareau, qui a été président pendant 25 ans du Club Auto-neige de Val-David. Une des pistes (reliant le Domaine air-Pur et le lac Paquin) avait été nommée en 1984 à son nom, en remerciement de ses nombreuses années de service.( Photo Archives Ski-se-dit.)
 
 
 
 
 

 
Donal Poiré, initiateur du projet Opération Secours (Archives Claude Lavallée)
Extrait de l’Album souvenir, Club Auro-neige de Val-David, 1986
 
 
 
 
 
 

Les sentiers dans le village : les sentiers principaux de motoneige reliaient Val-David, Val-Morin, Ste-Agathe-des-monts, Ste-Lucie, Ste-Marguerite, Ste-Adèle et St-Adolphe.
Carte publiée vers 1980. (archives Claude Lavallée)
 
 

La plaque qui ornait le bureau touristique du Club Auto-neige de Val-David (archives Claude Lavallée)
 
 
Des citoyennes de Val-David ont identifié ces dames. De gauche à droite: Claudette Ouimet-Gareau, Margot Leroux, Micheline Ménard, Marie-Claire St-Louis-Lagacé (cette dernière sous toute réserve) Source de la photo: ski-se-dit