L’Épinette Bleue et La Belle Étoile, les campings du rang 1 Doncaster

Par Jocelyne Aird-Bélanger

 

Val-David commence à intéresser vraiment les touristes autour des années 1950. Les gens de la ville viennent en train, en auto ou même sur le pouce pour aller soit à l’hôtel La Sapinière ou dans les Auberges, soit pour entendre un chansonnier à la Butte ou encore faire de l’escalade ou du ski au Mont-Plante. Ils s’amèneront bientôt pour camper dans nos montagnes au bord des lacs naturels ou faits de main d’homme.

CAMPING DE L’ÉPINETTE BLEUE

Après la vente des animaux de sa petite ferme, M. Roger Campeau qui travaillait l’hiver aux usines Angus à Montréal, décide d’implanter un camping juste l’autre côté de son gros barrage, au nord du Rang 1 Doncaster. L’idée lui est venue en acceptant que deux jeunes marcheurs montent leur tente avec enthousiasme au bord du petit lac qu’il avait aménagé l’année précédente. Après s’être installés, les heureux campeurs ne finissent pas de contempler le lieu et d’exprimer leur enchantement devant un si beau paysage. Inspiré par des réactions aussi positives, M. Campeau n’a qu’un objectif- aménager un terrain de camping pour l’été suivant.

En 1956, Roger Campeau avait construit un barrage sur le ruisseau qui traverse sa terre avec l’aide du bélier mécanique de son ami Aurèle Cloutier et celle de son fils, le tout jeune Pierre Campeau qui ne demandait pas mieux, cherchant à se distraire de sa première rentrée au pensionnat. Aussitôt le barrage terminé, l’eau s’accumule et un lac est créé. On avait dû auparavant enlever toujours à l’aide du bélier mécanique, la terre de surface et les gros cailloux, les poussant au centre du terrain devant être inondé ; une île est alors apparue !  Suite à création du lac, 2 plages ont été aménagées là où il y avait du beau sable. 

Ainsi émergea en 1957, de l’autre côté du barrage, tout près des rives de son lac, le Camping de l’Épinette bleue qui fut mis en place avant la canicule, juste à temps pour l’arrivée des touristes amateurs de plein air. Des chaloupes et des tables à pique-nique ont été construites par M. Campeau et son fils Pierre qui dégageait sans cesse de nouveaux sites pour accueillir d’autres campeurs, parfois même jusque sur l’île ! Au début, un petit casse-croute et une salle à manger ont aussi été bâtis pour les visiteurs. Suivirent une salle de danse en 1960 et un tennis en 1963.

Madame Simone Campeau tenait le petit restaurant. Pierre courrait faire des commissions au village lorsque certains aliments venaient à manquer au casse-croute.  Paul gérait le site ; Gilles s’occupait des campeurs et tout à tour, les filles Francine, Diane et Michèle assistaient leur mère beau temps, mauvais temps…Tout était à 1 piastre : 1 heure de pédalo, 1 heure de plage, 1 nuit de camping ! Le Camping connut un bon succès dès le premier été où une dizaine de tentes ont étrenné le site. Vers la fin, il y en avait bien une trentaine de plantées sur le terrain mais jamais aucune roulotte.

En 1959, M. Campeau vend sa grande maison à Carmelle et Franco Cavezzali, maison qui deviendra l’Auberge du Vieux Foyer. Il bâtit alors pour sa femme Simone qui rêvait d’une maison sans escalier pour soulager ses jambes bien mal en point, une maison de plein pied juste au bout du camping, aux abords de son petit lac de l’Épinette bleue. De 1960 à 1964, Roger Campeau construisit également 5 chalets sur son terrain le long du lac.  La famille comptait 8 enfants- 5 filles et 3 garçons qui seront tous impliqués à divers niveaux dans l’entretien ou les services du camping de la fin des classes jusqu’à la rentrée scolaire.

Leurs enfants grandissaient et s’éloignaient peu à peu. Roger et Simone Campeau qui avaient fait plus que leur part, décidèrent alors de fermer leur camping.  Il faut dire aussi que Simone Lajeunesse Campeau, en plus de s’occuper du camping l’été, enseignait durant l’année scolaire à l’école du village. Elle avait déjà fait l’école comme on disait à l’époque, dans les deux écoles du rang 1, même dans la plus vieille, celle qu’on avait démolie pour construire le tennis. Ouvert en 1957, le Camping de l’Épinette bleue mettra définitivement fin à ses activités en 1969.

 

  

CAMPING DE LA BELLE ÉTOILE.

M. René Légaré a aménagé et ouvert le Camping la belle Étoile en 1963 sur sa propriété en bordure du Rang 1 Doncaster au coin de la Montée Gagnon. Il avait 45 ans et avait jusqu’alors utilisé cette partie de sa terre comme ferme pour nourrir sa famille de 4 enfants. Quand les fournisseurs de pain, de lait, de viande, de fruits et de légumes ont commencé à circuler sur le rang 1 Doncaster et sont venus proposer leurs produits directement à sa porte, il a gardé sa maison mais abandonné sa ferme, démoli ses bâtiments et décidé d’ouvrir un camping sur une partie de sa terre.  Il a aménagé le terrain après avoir construit quelques années auparavant, un barrage sur le ruisseau Doncaster pour créer deux petits lacs dont un qu’il partageait avec l’Auberge du Vieux Foyer. Comme il avait longtemps été cultivé, le terrain était dégagé et il a fallu y ajouter des arbres pour créer un peu d’ombre.

Il a ouvert son camping aux touristes chaque été pendant 10 ans. Une douzaine de campeurs sont d’abord venus avec leurs tentes puis les roulottes sont arrivées. A la fin, le camping pouvait facilement en compter une trentaine en plus des tentes. Certains clients du camping se sont par la suite fait bâtir des maisons pour s’installer éventuellement en permanence à Val-David. Amateurs de ski de fond et de ski alpin, ils pouvaient profiter des pentes de ski que M. Plante avaient ouvertes à proximité du camping, de l’autre côté de la Montée Gagnon, sur une partie de sa terre que M. Légaré lui avait prêtée au tout début du développement du centre de ski.

Il y avait bien un enseigne au village qui annonçait le camping mais la réputation favorable de La Belle Étoile s’est surtout faite de bouche à oreille par les campeurs eux-mêmes. Pour accéder au site, il fallait s’inscrire à la barrière qui était contrôlée par Madame Dorina Laverdure Légaré qui travaillait dans un petit bâtiment transformé en cuisine d’été pour les siens. Michel Légaré, le fils de la famille, encore bien jeune, aidait son père dans tous ses travaux et s’occupait aussi du grand Feu de camp qui réunissait des campeurs enchantés chaque samedi près d’un des petits lacs. L’été, toute la famille était occupée au camping, de la St-Jean à la Fête du travail. Monique, l’aînée avait déjà quitté le nid familial mais Lise aidait aussi sa mère à l’accueil. Tous se souviennent encore de l’inondation énorme et désastreuse qui couvrit tout le terrain lors du bri d’un barrage au bout d’un petit lac artificiel en haut de la Slide à l’été 1968. Un déluge si important que les deux petits lacs n’en formaient plus qu’un seul ! Que de travail pour tout remettre en état quand l’eau s’est retirée….

M. Légaré s’occupait de son camping l’été et le reste de l’année, c’est à l’Hôtel La Sapinière qu’il travaillait.  En 1973, il vendit son camping à Monique et Pierre Leguerrier. On installa alors l’eau courante que l’aqueduc avait amenée sur le Rang 1 Doncaster en 1975. Le terrain fut considérablement agrandi pendant la dizaine d’années où les Leguerrier le dirigèrent. Il a depuis été revendu à d’autres propriétaires et des maisons y ont été bâties sur ce qui était autrefois, le terrain de jeux à l’entrée du camping. Comptant  un  très grand nombre de roulottes et de maisons mobiles, La Belle étoile est devenu un domaine résidentiel habité en toutes saisons.

   

Les campings attiraient de nombreux jeunes et ceux de Val-David les côtoyaient avec plaisir ; les plages étaient très fréquentées le jour, la salle de danse débordait les samedis soirs et les feux de camps, attiraient bien des campeurs. Des amitiés se sont créées et certaines durent encore… D’autres campings s’ouvrirent par la suite. Les gens de Val-David n’ont jamais cessé d’accueillir des visiteurs été comme hiver dans les restaurants, les auberges ou sous la tente.  Quoi de mieux que de dormir à la belle étoile au pied d’une grande épinette bleue pour apprécier la nature et l’été !

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Cet article a été rendu possible grâce aux informations et photographies fournies par Pierre et Michèle Campeau pour le Camping de l’Épinette bleue et par Monique et Michel Légaré pour le Camping de La Belle Étoile. Je les remercie vivement de leur aimable collaboration. JAB

 

En complément

La famille Campeau 

La famille Légaré