Par Claude Proulx
Si les moulins à eau de notre village, semblent être des manifestations de l’activité industrielle de l’époque de la colonisation de notre territoire, ils sont surtout des témoignages du savoir-faire et de l’esprit inventif des premiers colonisateurs de nos cantons, qui ont, grâce à leur courage, bâti un village à la mesure de leurs espoirs, pour leurs hoirs et ayants cause.
Depuis les débuts de la Nouvelle-France, jusqu’à la révolution industrielle, il n’y eut au Québec que deux grandes sources d’énergie disponibles ; le vent et l’eau. D’où les deux types de moulins mis en œuvre et utilisés par nos ancêtres.
En 1859, Louis Papineau, obtient de l’agent des Terres de la Couronne, un billet de colonisation pour les lots trente deux et trente trois, dans le dixième rang du Canton Morin. Les ambitions de Papineau sont grandes pour l’époque.
Il bâtit un moulin à eau, sur une île, formée par la rivière du Nord, et il y opère en tout premier lieu, une scierie à bois.
Le moulin Bélisle’s mill, 1859. Dessin Sonia Paquin, 2000.
Celle-ci est indispensable aux colons qui, pour se construire des maisons et divers autres bâtiments, viennent de tous les cantons environnants, faire oeuvrer leurs abattages à son moulin. Là, on y taille et on y plane principalement des planches, des poutres et des bardeaux de cèdre.
Vers 1860, Papineau construit un pont en bois sur la rivière du Nord, pour relier Le moulin de l’île, au chemin du Roi, aujourd’hui le chemin de la Rivière.
Ce petit pont qui prend son emprise vis à vis du petit bâtiment des commodités publiques sur le Parc des Amoureux, est remplacé en 1908, par un pont de fer, celui-ci situé à quelque cent mètres en aval de l’ancien.
Gilbert Barbe, un autre pionnier de notre village, se porte acquéreur du moulin à scie en 1872. Casimir Papineau, le fils du fondateur du moulin, en devient propriétaire en association avec Grégoire Labelle de 1876 à 1878.
En 1878, Joseph Bélisle, qui habite avec sa famille au lac Grand-Maison, aujourd’hui le Lac Paquin, achète le moulin. Le nouveau propriétaire perfectionne son moulin à eau et effectue des modifications utiles à l’alimentation en eau à la roue à godets du moulin. Il construit un tuyau de bois d’une longueur de quelque trente mètres de longueur et qui en fait près de deux sur son diamètre. Cette opération donne plus de pouvoir à la turbine.
Bélisle, devient le premier meunier du village en installant un moulin à farine et un moulin à carder la laine. Les cultivateurs apportent au nouveau meunier, surtout de l’avoine et de l’orge avec lesquelles graminées ; on fabrique la moulée pour nourrir les porcs, les chevaux et les veaux. On y fait aussi moudre le sarrazin bleu et jaune pour l’usage domestique.
Les fermières apportent la laine de leurs moutons au moulin à carder pour ensuite la filer sur leur rouet. Cette opération de cardage de la laine s’effectue sous la supervision de Julie Sentenne l’épouse de monsieur Bélisle, laquelle dit-on, fabrique des bâtonnets de sucre d’orge, qu’elle colore et aromatise pour les offrir aux enfants des écoles du village.
Le Moulin Bélisle, est reconnu à dix lieues à la ronde pour ses ouvrages de qualité. La compagnie de chemin de fer Pacifique Canadien baptise donc la gare qu’elle érige ici en 1892 du nom de Bélisle’s Mill Station, nom populaire que prend cette partie de notre territoire cette même année, alors que nous sommes situés dans les limites de la municipalité du village de Ste-Agathe-des-Monts.
Dans son testament qu’il fait rédiger le 21 juillet 1896, quelques jours avant son décès, Joseph Bélisle lègue son moulin à son épouse Julie. Celle-ci confie la gérance des opérations du moulin à Achille Valois, un employé du meunier.
Le trois septembre 1899, Achille Valois, se porte acquéreur des terrains et du moulin et comme on peut le lire dans le contrat : « avec un moulin à scie, un moulin à carder, un moulin à farine, en deux bâtisses, avec tous les agrès et mouvements, moulanges et toutes autres choses faisant partie des dits moulins».
Alexis Poitras achète à son tour les moulins et les terrains en 1900 pour les opérer jusqu’à l’automne de 1907. Durant les hivers les moulins n’opèrent pas.
Le moulin Bélisle vers 1910. Photo Archives de la SHPVD.
Joseph-Roch Larocque, un digne commerçant à Saint-Jovite, se porte acquéreur des moulins, le sept avril 1908. Le vieux pont ayant été emporté par la crue des eaux, le nouveau moulinier fait construire un nouveau pont, en fer, qui relie le chemin du Roi à son moulin.
Barrage du vieux moulin, 1916. Photo Archives de la SHPVD.
Durant l’été de 1917, les moulins sont entièrement détruits par le feu. Monsieur Larocque fait rebâtir le moulin à eau qui actionne une scierie et une meunerie, mais sans le moulin à carder la laine. Il opère le commerce jusqu’à l’automne de 1926.
Albert Leroux, achète les moulins et ses dépendances le vingt janvier 1927. Leroux fait ériger un barrage au déversement de la rivière dans le Ruisseau Leroux du côté nord ouest de l’île, pour avantager le flow de l’eau vers son moulin.
En 1929, le meunier Albert Leroux érige une superbe maison familiale de l’autre côté de la rivière sur un terrain qui se trouve sur l’emprise du moulin. Guy Ouimet, qui à l’âge de treize ans travaille pour le meunier de 1946 à 1954, raconte que son patron était un homme de grande humanité.
Le moulin Bélisle vers 1929. Photo Archives de la SHPVD.
Le meunier opère les moulins à eau jusqu’en 1964 et personne d’autre ne prend la relève des opérations. Une autre tradition historique qui vient de s’éteindre.
Le dix-sept août 1964, Albert Leroux, devenu rentier, vend les moulins, leurs dépendences et les terres à Florent Saint-Louis et Gilles Mathieu.
Le vingt-sept août 1970, François Charbonneau, restaurateur, se porte acquéreur du moulin, puis, le huit mai 1973, Gilles Mathieu, reprend possession de ses actifs hypothécaires dans la transaction avec François Charbonneau.
En juin 1974, les moulins et leurs gréments sont démolis Les lieux sont déserts et Mathieu y construit une belle petite maison en bois de pièce sur pièce, qui fait vingt-quatre pieds sur vingt, qui porte l’adresse civique du 2465, du chemin de l’Île, en bordure de la rivière du Nord, à l’endroit même de l’un des deux hangars du Vieux Moulin.
L’ère des temps modernes se manifeste. Deux moulins à scie mus à l’électricité voient le jour à Val-David pour remplacer le vieux moulin à eau.
Un premier, construit en 1965 par monsieur Eugène Monette, sur le premier rang Doncaster, est opéré par Micheline Monette.
Le second, installé en 1968, par Timberjack, propriété de monsieur Willie Marks, au 1675a de la route 117, a été opéré par Steve Marks. En 2018, la Scierie Timberjack est opérée par Daniel Pearson.