Texte de Jocelyne Air-Bélanger paru dans le Ski-se-Dit , décembre 2006
Professeur à l’UQAM depuis 1986, Paul Carle déborde des idées convenues que ce cadre de vie suppose. C’est avant tout un CHERCHEUR qui peut aussi bien entreprendre une recherche inusitée sur les itinérants des Laurentides que de bâtir lui-même sa propre maison, en restaurer une seconde et finalement en construire une troisième. Un intellectuel manuel, passionné de pédagogie et de dessouchage, spécialiste des instruments scientifiques anciens et instigateur d’ateliers peu conventionnels en communication sociales ou publiques, Carle est un homme rigoureux que de nombreux sujets intéressent.
ITINÉRANCE DANS LES LAURENTIDES
Ses connaissances sur le phénomène de l’itinérance dans notre région découlent d’une recherche qu’il a pilotée en 2002-2003, pour le CLSC des Trois-Vallées, à la demande de Suzanne Rivard, une de ses anciennes étudiantes devenue organisatrice communautaire. En 2002, plus de 1000 personnes, sans abri un peu partout dans les Laurentides, avaient demandé de l’hébergement d’urgence; cela sans compter ceux et celles qui «survivaient» de diverses façons (ils peuvent squatter d’anciens camps de jeunes, dormir dans des chalets ou des voitures, faire du camping sauvage, vivre à plusieurs dans de petits logements souvent d’une façon insatisfaisante…). Le phénomène n’est plus seulement masculin: on retrouve plusieurs familles (souvent monoparentales) sans abri, beaucoup de jeunes et même des personnes âgées aux revenus modestes qui commencent à vivre de plus en plus difficilement et peinent à entretenir leurs maisons. Le coût important du loyer dans les Laurentides et le manque de logement à tarif abordable complique la situation de plusieurs de nos concitoyens. Sans nécessairement être à la rue, plusieurs personnes vivent une grande instabilité, souvent forcées de déménager plusieurs fois par année faute de pouvoir régler leur loyer. Comment élever décemment une famille dans pareilles conditions?
Le développement accéléré de notre région, où les emplois précaires sont nombreux mais insuffisants pour assurer le minimum vital à un individu et encore moins à une famille, explique en partie cette situation désolante. Il y a aussi le manque de transport en commun ( bien qu’on commence à répondre à cette demande) et tout un ensemble de facteurs qu’on retrouve à Montréal mais qui tend à se répandre aussi dans notre région. N’oublions pas que malgré les beaux condos et les développements de tous genres, la région est, dans l’ensemble, très pauvre: peu d’industries, des emplois saisonniers à bas salaires reliés au secteur récréo-touristique, etc. Selon Carle, il faut d’abord et avant tout s’assurer que toute la région possède et contrôle un nombre important de logements à coût abordable tout en évitant de développer des ghettos de logements sociaux. Il faut penser à des logements abordables PARTOUT sur le territoire un peu comme les réserves d’espaces verts qu’on réussit à exiger dans les développements domiciliaires. Pour réduire l’itinérance et la pauvreté, il faut favoriser l’intégration des familles et des jeunes dans la société et éviter l’exclusion. Et cela relève d’une action intégrée du social et de l’urbanisme.
HISTOIRE et PATRIMOINE DE VAL-DAVID
Un des autres intérêts primordiaux de Paul Carle est l’histoire; c’est dans ce champ de connaissance qu’il a complété son doctorat dans les années 80. Il a fondé la société de conservation du Sault Récollet à Montréal en 1978 et a fait partie par la suite de Héritage Montréal, du conseil des monument et des Sires du Québec (CMSQ) de Sauvons Montréal. En septembre de l’an 2000, au moment où, avec l’aide de Michèle Bélanger, sa conjointe, il mettait la dernière main à la construction d leur maison sur le 8ième rang, il a appris l’existence de la Société d’histoire et du Patrimoine de Val-David, Avec Claude Proulx, président de la SHPVD, une autre aventure intéressante a débuté. La Société d’histoire a trouvé plus de 40 000$ de subventions depuis 2002 pour mettre sur pied le Centre d’archives de Val-David. La Société a aussi fait l’inventaire du patrimoine bâti de notre village et une étude de la toponymie , c’est-à-dire des noms de rues et de places de Val-david pour savoir d’où viennent ces noms et ce qu’ils veulent dire. On voudrait maintenant diffuser l’inventaire du patrimoine bâti et même un jour, l’intégrer comme outil au service d’urbanisme de la municipalité. Cela voudrait dire que chaque fois qu’un dossier est ouvert sur l’une des résidences de Val-david, en plus de données portant sur son emplacement, sa construction, etc, on trouverait aussi de l’information sur son histoire. Ainsi, tout le travail accompli jusqu’à maintenant servirait vraiment à tous.
LE PROFESSEUR
Le professeur Carle, qui enseigne à l’UQAM depuis vint ans, en a aussi beaucoup à ire sur l’éducation. Selon lui, la réforme scolaire et les efforts pédagogiques doivent former des individus qui seront aptes à travailler en équipe. Les écoles, collèges et même universités devraient remettre en question l’amas de connaissances qu’elles transmettent et se tenir plus à jour. Depuis ses débuts, l’UQAM accepte dans la plupart de ses programmes toute personne qui a 22 ans et plus et une expérience professionnelle suffisante. Quand Paul Carle est arrivé à l’université en 1986, elle comptait plusieurs étudiants adultes dans les cours ce qui donnait une atmosphère particulière à l’université. Ces adultes plus expérimentés ayant sans doute complété leurs cycles universitaires, l’ensemble des cohortes d’étudiants est plus jeune et peut-être plus intense aujourd’hui. L’enseignement se fait souvent par petits groupes travaillant ensemble à des projets précis. Le monde étudiant a bien changé au niveau universitaire. A ce niveau, un étudiant devrait passer 15 heures par semaine à ses cours, 15 autres à étudier et encore 15 autres à faire des lectures. Ces attentes sont difficiles à combler pour des étudiants dont une forte proportion travaille à temps plein ou à temps partiel. Il leur est alors de plus en plus laborieux de réussir des études de manière concluante. Les étudiants d’aujourd’hui sont coincés dans des horaires stressants; peut-on les blâmer d’être exigeants et d’en vouloir pour leur argent?
ÉVOLUTION
Paul Carle est aussi impliqué dans le Comité chargé de réfléchir à la politique culturelle de Val-David qui a pour mission de renouveler celle mise en marche dans la municipalité en 2002. Certes il y a beaucoup d’initiatives créatrices dans notre milieu en commençant par ce journal (qui avec ses trente ans, est l’un des plus anciens journaux communautaires du Québec), en passant par la Fondation Derouin, la Clé des champs, l’Atelier de l’Île, la Bibliothèque, ou encore les lieux pour la musique, etc. Pour que cela continue, il faut encourager la relève, lui faciliter la vie et se projeter dans le futur. D’où l’existence de ce comité qui proposera un jour des pistes pour favoriser la vitalité culturelle à Val-David.
Avec un grand terrain à Val-David, une maison toujours en pleine évolution et un grand nombre de projets intéressants, Paul Carle n’envisage pas sa retraite avant quelques années. Gageons qu’il sera encore plus impliqué qu’il ne l’est maintenant dans la vie culturelle de notre village!