Robin Hutchison

LA CÉRAMISTE ROBIN HUTCHINSON

Par Jocelyne Aird-Bélanger

  Robin Hutchison dans son aelier. Photo: Laurence-Amélie Montpetit

DIALOGUE AVEC LE TERRITOIRE 

L’artiste céramiste Robin Hutchison poursuit depuis des années un dialogue continu et intime avec le territoire laurentien qui l’entoure. À force de marcher chaque jour dans le parc Val-David/Val-Morin tout près de chez elle, de repasser par les mêmes sentiers au cœur des mêmes montagnes, de fréquenter les arbres et les roches, Robin est convaincue que ses yeux se sont imprégnés d’un répertoire visuel devenu peu à peu sa référence. L’eau qui coule sur les pierres, les feuilles, la glace, tout cela aiguise également sa curiosité pour les matières. Le territoire l’inspire et la pousse à se demander ce qui arriverait si elle prenait la boue du fond d’un étang pour la modeler, ou si elle faisait des glaçures à base de cendres d’érables ou encore, si elle brisait les roches et les incorporait à la terre … Sa céramique façonnée et ses oeuvres parlent de cette vieille terre rocheuse qu’elle foule et habite depuis si longtemps. Il en est de même de cette installation d’un canot qu’elle a réalisée à la Clé des Champs et qui doucement s’enfonce pour finalement s’incorporer à la terre.

IMPLICATION SOCIALE 

Robin crée des pièces pour les gens qui l’entourent et qu’elle connaît depuis toujours. Même qu’elle en vient à croire que bien des gens du village et presque toutes ses connaissances possèdent un de ses bols, dit–elle en souriant. Elle fut très fière de voir un jour, une de ses assiettes accrochée au mur du petit restaurant que tenait autrefois Madame Guindon au cœur du village. Robin fut un temps présidente des Créateurs associés et eut alors l’occasion de travailler étroitement à plusieurs projets majeurs avec la coordonnatrice de l’époque, Carmelle Cavezzali. Chaque année, elle participe aux 1001 POTS depuis leurs débuts en 1988. Qui n’a suivi des cours de poterie avec Robin au cours des derniers 30 ans ? Au rythme d’une trentaine d’élèves par année, ce sont bien des centaines de personnes dont les enfants de ses amis de Val-David entre autres, qui auront manipulé et transformé la terre avec elle au cours des ans. Elle a régulièrement donné des classes de céramique aux enfants de nos écoles. Il y a quelques années, elle a aussi enseigné en Haïti dans un village reculé de céramistes pour leur aider à créer et à améliorer leur production. Elle y a surtout découvert comment il est possible de créer des liens malgré des cultures et expériences différentes. Cela lui aura prouvé encore une fois à quel point nous sommes privilégiés de vivre ici, dans ce beau village, dans cet incroyable pays.

Comme ses parents Heather et Ed Hutchinson, Robin est très impliquée dans la trame sociale de son milieu. Le bien-être du village lui tient à cœur. Elle croit qu’on n’est jamais plus fort que les plus vulnérables de notre société, surtout ceux qui traversent des moments difficiles. Son Projet des «Bols du partage» vise justement à appuyer le comptoir alimentaire de Val-David que le groupe de bénévoles réuni autour de cette activité, a réussi à soutenir financièrement de façon importante depuis 3 ans. Elle est aussi impliquée dans « Shoe Box », un projet bénévole qui a pour but d’aider les femmes victimes de violence. On la retrouve également dans la Chorale Sortie 76, un groupe de femmes motivées des Laurentides concernées par la situation de la femme dans le monde.

Inquiète de l’embourgeoisement de notre municipalité, Robin insiste sur la vitalité dans la diversité, dans la force d’un milieu où tous sont inclus, où les marginaux ont leur place et où l’on trouve de l’hébergement abordable. Elle croit important de garder le respect de la vitalité de notre milieu et un espace accueillant pour la vie.

 

ENFANCE ET CHEMIN PARCOURU 


Enfant, elle venait lors de vacances à Val-David où ses parents possédaient une maison. Par la suite, sa famille déménagea ici de manière définitive. Toute jeune, pendant ses études, Robin a travaillé à La Sapinière sous la direction du chef Marcel Kretz et c’est là qu’elle a appris à parler si bien le français qui est, selon elle, la langue internationale des cuisines.

Suite à ses études en arts, en dessin et en céramique, elle devint propriétaire avec Lynn Gauthier de l’atelier de céramique d’Alain Tremblay, atelier où travaillent aujourd’hui Louise Julien et Jean-Denis Bisson. Après avoir tenu la garderie que sa mère avait fondée et vendu ses parts dans l’atelier, elle réussit à acheter la maison où elle habite toujours et où se trouve son atelier. Elle y a élevé sa famille avec son conjoint, le musicien Alan Gerber. Ensemble ils ont fait l’école à la maison et ont su faire profiter leurs deux enfants d’un milieu artistique particulièrement riche. Ces enfants, aujourd’hui de jeunes adultes, en ont tiré des expériences uniques qui leur ont permis tous les deux, de compléter des études universitaires de calibre. Eli est physicien à l’Université Cornell aux États-Unis tandis que Hannah complète une maîtrise en sécurité internationale à Sciences Po à Paris. Ils continuent à faire de la musique et de la chanson, toujours avec l’appui de leur père, un musicien reconnu. Robin croit qu’elle aura réussi à transmettre à ses enfants grâce à cette forme courageuse et exigeante d’éducation, beaucoup d’autonomie et la force de ne pas attendre l’approbation des autres pour réaliser leurs projets respectifs.

 

TÉMOIGNAGE ET EXPÉRIENCE

«S’engager dans le métier de céramiste pose un défi constant. Travailler directement avec les éléments tels la terre, l’eau, l’air et le feu dans en cette période d’industrialisation et créer du nouveau dans un métier vieux comme la civilisation, exige une motivation très personnelle. Je suis touchée par les moments intimes de la nature, l’étirement de l’écorce sur les arbres, l’eau qui se ramasse dans les creux, la glace qui se forme dans un ruisseau. Je suis sensible aux matières qui m’entourent, l’argile de la rivière, le granit de notre paysage, les cendres de mon poêle à bois.
Parfois mes pots sont doux et ronds, et parfois je les coupe et les roule dans des roches concassées. Les glaçures faites de cendres et d’argile locale coulent de manière très fluide ou sont sèches et rugueuses ou superposées pour plus de profondeur. Les pièces sont cuites à haute température dans un four à gaz et les éléments se confondent. Elles peuvent aussi être brunies avec une pierre sans aucune glaçure et cuites de manière primitive dans un baril et décorées par la fumée et la vapeur.
Peu importe la méthode, en poterie, au cours du processus de création, on doit accepter un certain inattendu. Je trouve ces explorations mystérieuses et profondément gratifiantes.»