Par Jocelyne Aird-Bélanger
Simone Campeau a connu une carrière de 51 ans sans interruption dans l’enseignement. Une carrière qu’elle a surtout exercée à Val-David (pendant 37 ans).
Son fils aîné, Pierre Campeau, a écrit dans son livre Fils de titan (2009) qu’elle serait la seule professeure au Québec à avoir enseigné 51 ans sans interruption. Elle a commencé dans une école de rang à 14 ans et s’est retirée à 65 ans en 1978. Elle était alors professeure de 5e année à l’école Saint-Jean-Baptiste à Val-David.
Simone Lajeunesse Campeau à son bureau de l’école Saint-Jean-Baptiste en 1977. Collection Jocelyne Aird-Bélanger.
Nous reproduisons aujourd’hui un article de Jocelyne Aird-Bélanger publié en 1977 dans le journal Le Sommet de Sainte-Agathe: Simone Campeau : Cinquante ans professeur!
Un projet que l’enseignante réalisait avec ses élèves est la production d’un livre appelé Alors raconte. Au moins trois tomes de ce livre ont été produits.
Simone Campeau a eu huit enfants et la famille habitait une maison qui fut ensuite vendue aux Cavezzelli et qui est devenue l’auberge du Vieux Foyer.
Cette famille était connue pour avoir mis sur pied le camping de L’Épinette bleue durant les étés de 1956 à 1968.
Simone Campeau avec Alors raconte, livre qu’elle a réalisé avec les textes de ses élèves de 5ième année de l’école St-Jean-Baptiste en 1977.
Un écolier de l’école St-Jean Baptiste présentant le livre Alors raconte à Jocelyne Aird-Bélanger et au directeur de l’école en 1977. Photo par Michèle Campeau.
Simone Campeau : Cinquante ans professeur!
Par Jocelyne Bélanger Publié dans le journal Le Sommet en 1977
Depuis cinquante ans, cette année, Simone Campeau enseigne, fait la classe ou est maîtresse d’école, comme on disait quand on était petits. Trente-sept de ses années actives se sont écoulées dans diverses écoles de Val-David où elle enseigne encore aujourd’hui la cinquième année. Tout cela fait bien des écoliers: deux générations et plus peuvent alors se vanter d’avoir eu comme professeur une femme authentique, croyante et profondément attachée aux enfants. Une femme qui ne se contente pas de faire de l’enseignement, mais qui veut toujours faire de l’éducation!
Les débuts
Simone Lajeunesse avait 14 ans lorsqu’elle prit sa première école sur un rang de Saint-Théodore de Chertsey, son village natal. Le «clan» des Lajeunesse comptait neuf enfants dont quatre s’orientèrent tour à tour vers l’enseignement. Peut-être cause du goût prononcé de leur mère pour ce domaine auquel elle avait renoncé à cause du décès de son père.
Comment peut-on enseigner à quatorze ans?
Souvenons-nous que nous sommes en 1927. À cette époque, après la 9ième année, un certificat d’études était remis pas l’École Normale. Il fallait continuer à étudier pendant trois ans avant d’être légalement reconnu. Ayant franchi la première étape, à Joliette, Simone Lajeunesse, 14 ans, prend charge d’école. Elle a 53 élèves de la première à la sixième année. Trois garçons de sa classe ont le même âge qu’elle! Ils l’ignoreront longtemps: il faut savoir se faire obéir…
Salaire annuel: 150,00 $. On est logé, chauffé, mais encore faut-il allumer le poêle bois et se nourrir! La diète de notre jeune professeur ne péchait par excès, ni dans la quantité, ni dans la diversité. Le lundi seulement de la viande (après elle se perdait): des bananes et des biscuits au chocolat le reste de la semaine. Encore heureux qu’elle soit retournée dans sa famille la fin de semaine.
Et voilà comment débuta la carrière d’une petite femme (moins de cent livres à cette époque) maîtresse d’école de rang il y a 50 ans! Après avoir enseigné à six niveaux différents pendant toute la journée, le soir, elle préparait ses classes, recopiait à la main tous les travaux différents qu’elle avait planifiés pour ses élèves (les machines à copies de toutes sortes ne vinrent à son secours que 20 ou 25 ans plus tard). Et malgré ce travail assidu, le salaire était si honteusement bas qu’il fallait compter sur l’appui de son père pour quelqu’extra que ce soit, quand ce n’était pas le nécessaire.
À 22 ans, notre jeune professeur compte huit ans d’expérience dans l’enseignement : elle a eu charge de deux écoles pendant ce temps et enseigné à plus de 300 enfants, tout cela pour la somme de 150 $ par année.
Et puis question de changer d’air et d’améliorer son sort, elle vient enseigner à Val-David : c’est une promotion puisque son salaire est doublé. Sans vouloir insister sur la question de l’argent qui n’a jamais vraiment compté pour Madame Campeau elle-même, il est quand même bon de souligner le sort qui était fait aux enseignantes vers les années 1930. Cela aide à comprendre tout le chemin parcouru dans ce secteur de la société dans une période relativement courte.
Aujourd’hui, à cause de son expérience prolongée, Madame Campeau est un professeur qui sécurise ses élèves. Elle a la réputation de réussir avec les plus difficiles. Il faut l’entendre parler avec ardeur des enfants. Il en ressort surtout qu’elle les aime: l’an dernier, ou il y a deux ans, à la suite d’un voyage en Israël, elle a rapporté à chacun de ses trente-trois élèves un souvenir de Jérusalem…
Ses opinions sur l’éducation sont pertinentes. Il faut, dit-elle, élever les enfants pour la vie qu’ils auront à mener, à vivre, pas pour celle que nous avons vécu.
Une femme vraie
Il y a deux semaines, le syndicat des professeurs de la région remettait un bijou à Madame Campeau pour ses années de service. Émue et très touchée, elle n’en revient pas encore. Et pourtant, après cinquante ans au service des enfants de la région, après cinquante de courage et de foi, ce n’est pas exagéré.
Rencontrer une femme fière, qui défend ses idées, qui a des valeurs morales très élevées et qui est restée en contact avec la vie, le monde et l’enfance tant de temps, c’est rare et ça explique ce qu’on répète sans trop y penser souvent : « né d’une race fière, béni fut son berceau. » Madame Campeau – Merci.