Par Claude Proulx et Paul Carle
On m’appelle Le Petit Poucet, je suis le cadet d’une famille de sept garçons. Nous habitons une petite maison dans une belle vallée de la forêt à Val-David. On dit que je suis très débrouillard. Nos parents ont peine à nous nourrir.
Un soir, je quitte la maison avec mes frères, en quête de nourriture. En tentant de revenir, je m’aperçois que les oiseaux avaient mangé les morceaux de pain rassit que nous avions laissé ici et là pour reconnaître notre chemin du retour.
En arrivant chez une bonne dame qui habite un immense Château au Lac de la Mère Ménard, dans le huitième rang du Canton Morin, elle nous dit de nous sauver car nous sommes chez le méchant ogre, mais elle accepte de nous héberger puisqu’il se fait tard.
Pour camoufler notre odeur, la dame nous prépare un jambon fumé à l’érable et nous allons, le ventre plein, nous coucher dans la chambre des sept filles de l’ogre.
« Ça sent la chaire fraîche ici ! », s’exclame l’ogre à son arrivée. Gardant mon sang-froid, je remplace les couronnes que portent les filles de l’ogre, par nos bonnets de laine rugueuse. Quand l’ogre, attiré par notre odeur, entre dans la chambre, il sent sous ses mains, nos bonnets de laine, en tatillonnant la tête de ses filles. « Je vais vous manger ! », rugit-il dans l’obscurité Les petites filles, affolées se mettent à pleurer.
L’ogre comprend son erreur. Pendant ce temps, avec mes frères, nous nous sauvons vite dans la forêt, poursuivi par l’ogre qui avait chaussé ses bottes de sept lieues.
Nous nous cachons derrière un gros rocher. Fatigué, l’ogre s’assoupi au pied d’un gros chêne et durant son sommeil, je lui retire ses bottes magiques, je les enfile et je conduis mes frères à la maison de nos parents.
Quelques jours après, je retourne au Château et la femme de l’ogre me confie la recette secrète de son jambon fumé à l’érable et elle me remet aussi, un sac rempli d’or.
Désormais, riche, je rentre chez moi, et m’exclame auprès de ma famille «Nous n’aurons plus jamais faim», tout en dévoilant la fameuse recette de jambon fumé à l’érable de la femme de l’ogre et en déballant mon sac d’or sur la table.
Signé : « Le Petit Poucet, qui vivait dans la forêt à Val-David »
Au printemps de 1849, Jean-Baptiste Dufresne, un jeune cultivateur à Saint-Benoît-des-Deux-Montagnes, quitte son village natal avec ses deux amis ; les frères Olivier et Narcisse Ménard , pour aller coloniser les Cantons du Nord.
Une visite à l’étude de maître Adélard Lavallée, notaire et Agent des Terres de la Couronne à Sainte-Adèle ; puis Jean-Baptiste Dufresne en sort avec une Billet de Location dans son sac, ce qui lui permet de coloniser des lots du Gouvernement et en prendre possession. Les trois compères se retrouvent au nord de Ste-Adèle dans le canton Morin, tous fortunés de nouvelles Terres à défricher..
Le 26 juillet, 1902, Jean-Baptiste Dufresne et son épouse Flavie Ménard, font par acte notarié, une donation d’une grande partie de leurs terrains et de leurs biens à un de leurs fils Léon-Hormidas, reconnu être fermier du village.
Dans ce document on peut lire : « Cette donation est faite à la charge du donataire : de loger, coucher, chauffer, éclairer les donateurs, les nourrir à la fortune du pot et potage d Au printemps de 1849, Jean-Baptiste Dufresne, un jeune cultivateur à Saint-Benoît-des-Deux-Montagnes, quitte son village natal avec ses deux amis ; les frères Olivier et Narcisse Ménard , pour aller coloniser son ordinaire, les entretenir de hardes, coiffures, chaussures, le tout suivant leur état et condition et d’avoir, pour les donateurs, tous les soins et égards qu’un bon enfant doit avoir pour ses père et mère, tant en santé qu’en maladie et dans ce dernier cas, leur procurer les douceurs que leur requérra leur état, les soins du médecin et les recours du prêtre à la demande et réquisition des donateurs ».
Léon-Hormidas Dufresne, vient d’hériter entre autres, du lot 27, dans le dixième rang du Canton Morin, sur lequel on retrouvera plus tard La Rôtisserie Au Petit Poucet, à l’adresse civique du 1030, route 117 à Val-David.
Le trois mars 1926, Léon-Hormidas Dufresne, vend à un dénommé George Zgeb, épicier à Montréal, une partie du lot 27, ayant une superficie de soixante-quatorze acres. Monsieur Zgeb, y bâti une minuscule maison en bois rond, qui abrite une épicerie nommée Au Petit Poucet. Il y installe aussi un fumoir à jambon, et il popularise la vente du jambon fumé auprès des villageois et dans toute la région.
La rôtisserie au petit Poucet en 1926. Dessin Sonia Paquin
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Le vingt-trois octobre 1945, Raymond-Louis Burdairon, né en 1906, aux Allinges, Haute-Savoie, en France, fait l’acquisition de l’épicier Zgeb, de cinquante-deux acres et deux chaînes de terre du lot no.27, sur le dixième rang du Canton Morin, avec une bâtisse érigée dessus, il s’agit de l’épicerie Au Petit Poucet.
Monsieur Burdairon, un maître cuisinier français, reçoit son instruction chez les Pères de St-François de Sales, à Fribourg, en Suisse et poursuit ses études dans l’hôtellerie, sur la Côte d’Azur.
En 1930, le Chablaisien arrive au Canada et devient la vedette à toque blanche de l’Hôtel Queen’s et de l’Hôtel Mont-Royal à Montréal. Son nom est sur toutes les lèvres des convives.
Une visite dans nos Laurentides et le maître Burdairon est conquis par la beauté de nos lacs et de nos montagnes. Il ouvre un premier restaurant « La Guinguette » et par la suite « L’Alouette » à Ste-Adèle.
Notre héros se marie en 1942, à Cécile Cloutier de Ste-Agathe-des-Monts. L’année 1945, vit donc naître l’œuvre de Raymond-Louis et Cécile Burdairon, le Restaurant Au Petit Poucet à Val-David. Le restaurant connaît des agrandissements divers. Le couple exploite le commerce pendant plus de vingt ans. Le Petit Poucet des Burdairon est reconnu de par tout le pays.
La rôtisserie au petit Poucet , carte postale couleur, date inconnue . Collection SHPVD
Le 13 décembre 1966, on annonce le décès de notre maître cuisinier.
Le sept mai 1962, André Bertrand, Paul et Jean Gélinas de Ste-Agathe-des-Monts, achètent le commerce. Ces derniers ayant observé le travail du fondateur, s’élancent pour continuer l’œuvre de Raymond-Louis Burdairon.
Dans la même année, on procède à l’agrandissement de la cuisine et de la salle à manger du premier plancher, puis à la rénovation complète des bâtisses existantes.
En décembre 1975, monsieur André Nadon, un comptable agréé de Montréal, qui travaille déjà pour les propriétaires du restaurant, achète des parts dans l’entreprise et puis finalement se porte propriétaire.
Le commerce porte désormais le nom : La Rôtisserie Au Petit Poucet. Un monsieur Savard gère la rôtisserie pendant plusieurs années.
Le Petit Poucet, qui célèbre 75 années d’existence en l’an 2001, est gérée depuis 1989, par Carole Nadon et Perry Nadon les enfants du propriétaire.
Le Petit Poucet en 1999. Photo Sonia Paquin, 1999.
Carte postale publicitaire pour le restaurant Au Petit Poucet, vers 1999. Collection SHPVD.
La famille Nadon est fière de leur personnel dont plusieurs employés comptent plus de trente années au service du commerce.
La légende du Petit Poucet, qui fascine les jeunes de sept à soixante dix-sept ans, entoure l’ambiance de ce restaurant de réputation internationale. En 2000, le restaurant se mérite Le Lauréat d’Or, des Grands Prix du tourisme québécois.
Le bâtiment construit en bois rond, tel que nous le connaissons aujourd’hui est d’une grande envergure. Au courant d’architecture rustique, il s’inspire encore de sa construction d’origine, que les divers propriétaires ont su heureusement protéger, ce qui lui confère une grande valeur historique pour le patrimoine de notre village.