Par Claude Proulx
La maison Alexandre Beaulne. Photographie Claude Proulx, 2000.
Depuis moult années, le grand-père Alexandre Beaulne avait ouvert et entretenu un sentier à travers les forêts pour se rendre à l’école de rang du Lac Paquin; un parcours d’un kilomètre. De la maison familiale, traversant montagnes et ruisseaux, contournant rochers et écueils, il allait tous les matins reconduire à l’école ses petites-filles Élise et Rose-Alma. En chemin, il instruisait les petites sur la beauté de la nature, s’arrêtait quelques moments pour leur faire admirer les chevreuils, les ratons-laveurs et les petits oursons avec leur maman, qui tôt dans la journée venaient s’abreuver aux ruisseaux, manger des pommes des vergers et grignoter dans les potagers des cultivateurs. Le midi, le grand-père retournait à l’école pour porter le repas à ses petites-filles et enfin, vers trois heures de l’après-midi, il revenait encore à l’école pour ramener les petites au foyer maternel.
La maison Alexandre-Beaulne, est située au 1665, chemin du septième rang, au Lac Paquin à Val-David, à une centaine de mètres, juste avant d’arriver au viaduc de la sortie 80 de l’Autoroute des Laurentides, sur une partie du lot numéro quatre, dans le 7e rang du Canton Morin, aujourd’hui la propriété de Pauline Bélair.
ALEXANDRE BEAULNE, un cultivateur d’une trentaine d’années d’âge, né à Saint-Sauveur, marié à Philomène Lajeunesse, fait l’acquisition au printemps de 1867 de cent acres de terre sur le lot quatre, dans le 7e rang du canton Morin, grâce à un Bon de Colonisation dont les titres de propriété sont confirmés plus tard par un Acte de vente de la Corporation du comté de Terrebonne. L’arrondissement sur lequel se trouve la terre est connu sous le nom de Lac Grand’maison, aujourd’hui le Lac Paquin, territoire qui fait partie de la municipalité de paroisse de Sainte-Agathe-des-Monts durant ces années. Ce personnage qui compte parmi nos premiers colonisateurs, défriche une partie de la montagne et y construit une maison avec une grange, une écurie et un puits.
La maison au courant d’architecture traditionnel est bien ancrée sur une fondation de pierres des champs cueillies à même les montagnes environnantes. Le bâti du carré qui donne trente pieds sur quarante-six et son toit à deux versants en bardeaux de cèdre sont érigés sur une charpente claire en bois, recouverte de larges planches à la verticale. Le premier plancher, le haut coté sert pour les commodités familiales, cuisine, chambres et dans le bas coté, la cuisine d’été. Une trappe au plafond donne accès au grenier lequel est utilisé comme remise. On a conservé et on peut encore distinguer aujourd’hui, les poutres équarries qui ont servi à bâtir la charpente.
Le quatorze mars 1899, Alexandre Beaulne, vend à son fils Delphis Beaulne, né en 1873 et lui aussi cultivateur, acceptant acquéreur, pour lui, ses hoirs et ayant cause pour l’avenir, un grand terrain connu sous le lot numéro quatre du septième rang du Canton Morin, avec une maison et autres bâtisses dessus construites, pour la somme de sept cents piastres, payable vingt-cinq piastres dans un an et la même somme à la même date les années suivantes, sans intérêt. On lit dans ce contrat : le vendeur, se réserve pour lui et ses enfants, le droit de passer sur le terrain vendu, à l’endroit où il passe aujourd’hui pour communiquer aux terres du huitième rang pour se rendre à l’école. Bâti vers 1870, cette première école sur notre territoire, était située dans le 8e rang Lac Paquin, à proximité de ce gros rocher, en plein sur les terres, plus tard expropriées par la Corporation des Autoroutes. Cette école est démantelée de son bâti en pièce sur pièce vers 1950, puis reconstituée pour en faire une maison privée sur le chemin du 7e rang au Lac Paquin.
Les anciens du Lac Paquin se souviennent encore aujourd’hui que vers 1910, Delphis Beaulne procède à l’installation d’une toiture en tôle. C’est dans cette maison que Delphis Beaulne et son épouse Donalda Legault ont élevé leurs neuf enfants : Élise, Rose-Alma, Marie-Anne, Aldéric, Marie-Louise, Hector, Raoul, Gérard et Jean. Rappellons que le fils Raoul occupe le poste de maire à Val-David de 1967 à 1973, puis il opère à partir de 1950 le restaurant Le Rendez-Vous-des-Campagnards, aujourd’hui Le Grand Pa, en face de l’église.
Le vingt-sept avril 1927, Delphis Beaulne rédige son testament par lequel il lègue tous ses biens à son épouse Donalda Legault. Delphis s’éteint le dix-neuf avril 1942 à l’âge de soixante-neuf ans.
Le quatre novembre, 1944, Donalda Legault, veuve de Delphis dit Dolphis Beaulne, vend à ses deux plus jeunes enfants, Gérard né en 1917 et Jean né en 1918, pour la somme de deux mille quatre cents dollars : 1e : un lot de terre, numéro 3B de 50 acres, que son mari avait acquis de Hormisdas Giroux le dix-sept mai 1898, ce dernier l’ayant acheté de son père Joseph en 1873 et 2e : le lot numéro 4 de cent acres, avec une maison et ses dépendances, plus tout le roulant de la ferme, animaux, instruments aratoires, voitures d’hiver et d’été, la récolte ainsi que tous les autres effets mobiliers se trouvant sur les lieux, sauf son ménage et ses effets personnels que la venderesse se réserve. Donalda Legault est décédée le vingt-deux septembre 1947. Jean Beaulne et son épouse Jeanne-d’Arc Meilleur avaient choisi s’approprier et conserver le lot quatre et la maison familiale Alexandre-Beaulne.
Le trente et un mars 1972, Florian Chartrand et son épouse Pauline Bélair, deviennent les nouveaux propriétaires d’une partie du lot quatre qui donne une superficie de 41 662 pieds carrés avec la maison et les bâtisses dessus érigées.
Pauline Bélair, de sa profession de comptable-fiscaliste est la fille de Mary Fernon une irlandaise mariée à Lucien Bélair de Val-Morin. Florian Chartrand né à Nominingue, est guide de chasse et pêche pour le compte de Claude-Henri Grigron à Saint-Adèle et devient plus tard un habile menuisier. Le couple Bélair-Chartrand, qui se marie à Sainte-Adèle en 1956, s’installe dans leur nouvelle résidence familiale en 1972 et c’est dans cette maison historique que leurs sept enfants sont élevés : Mario, Maureen, Gaétan, Kathleen, Marlene, Charlene et Patrick.
Florian et Pauline procèdent à de multiples rénovations de la maison Alexandre-Beaulne pour la rendre habitable et les qualités de menuisier de Florian sont véritablement mises à l’œuvre et à l’épreuve : des réparations majeures de l’extérieur, des aménagements de l’intérieur et de l’isolation qui mérite des travaux ardus, constituent des préoccupations constantes pour tenter de préserver le caractère et le type d’architecture originel des bâtiments. Le gros vieux poêle à bois, qui depuis plus de cent ans est l’élément principal de chauffage de la maison est remisé pour être remplacé par un nouveau système de chauffage à l’huile installé dans le sous-sol sur terre battue. L’ancienne grange du père Alexandre Beaulne est démolie vers 1985 et quelques années plus tard, l’enceinte du puits est démolie par obligation, lequel puits dans sa facture originelle constituait à lui seul un élément historique de nos ancêtres.
Merci à vous deux Pauline et Florian pour avoir préservé ce bâtiment qui fait partie du patrimoine historique du bâti de notre beau village.